Jusqu’au 13 avril, à Poitiers, le Confort Moderne accueille » En chaîne et en or », une exposition d’ampleur de la plasticienne Silina Syan.
Fruit d’un sacré mélange — mère arménienne, père bengali —, Silina Syan, née en 1996, sort diplômée de la Villa Arson, en 2020. Représenté par la galerie parisienne Éric Mouchet, son travail a déjà eu les honneurs du Sample (Bagnolet), des Magasins Généraux (Pantin), du 109 (Nice), de La Villette (Paris) ou des Ateliers Médicis (Clichy-Montfermeil).
Sa pratique, à mi-chemin de la photographie et de la vidéo, enquête, documente, fouille inlassablement la question des origines et de l’identité. Une espèce de portrait en creux pour une fille de condition modeste, ayant grandi à Clamart, « banlieue » chic de l’ouest parisien, qui n’a rencontré sa famille bengalie qu’à l’âge de 24 ans.
Hybridation à la française
Tout à la fois en exil, en recherche de ses racines, et pur produit d’une hybridation à la française, la voici à Poitiers avec « En chaîne et en or », son troisième solo show, mais le plus important à cette heure, présenté au Confort Moderne, sous la houlette de Madeleine Mathé.
Au-delà du clin d’œil — le titre citant une punchline du mythique Boulbi de Booba — et du premier degré de lecture — les codes du luxe détournés par l’industrie du toc made in China —, cette proposition, où triomphent le faux et le simulacre, et assumant pleinement son statut artificiel, poursuit in fine la recherche autobiographique.
Reportages photographiques à caractère initiatique au pays de ses ancêtres ou dans les épiceries du XVIIIe arrondissement de Paris, apologie du « faux précieux », reconstitution d’une cantine bengalie d’Aubervilliers, artefacts (tour Eiffel, Gucci) puisés dans l’internationale du cheap, papiers peints aux motifs empruntés aux souvenirs familiaux, faux ongles de cagoles, reproductions de Tawaifs (poétesses, danseuses et musiciennes qui divertissaient les cours de l’empire Mohgol, au XVIe siècle, et disparues au XIXe, avec la colonisation britannique) générées par l’intelligence artificielle, scènes de la vie quotidienne, parodie d’une toilette à grand renfort de joncaille, dans un kitsch digne des riches heures de Pierre et Gilles, Silina Syan se plonge jusqu’au vertige dans sa multiplicité. Et son intimité.
Marc A. Bertin
Informations pratiques
« En chaîne et en or », Silina Syan,
jusqu’au dimanche 13 avril,
Confort Moderne, Poitiers (86).