Successeur depuis mars dernier d’Antoine Gariel — parti en août 2023 prendre les rênes du théâtre de Villefranche-sur-Saône —, Christophe Pomez, ancien directeur régional des affaires culturelles à la Martinique connaît sa première expérience en Métropole — il a été attaché culturel et directeur d’institut en Roumanie et au Maroc — après avoir été nommé à la tête du Théâtre de Gascogne, à Mont-de-Marsan.

Que ressent un natif de Besançon, ayant mené carrière à l’étranger, en arrivant dans les Landes ?

L’authenticité de l’accueil, la qualité de l’hospitalité, le sens de la fête. Voilà ce qui m’a marqué. Je ne connaissais pas le Sud-Ouest, encore moins ce département. C’est un choix du cœur.

Qu’évoque pour vous le Théâtre de Gascogne ?

L’audace d’un projet mené pendant dix ans par Antoine Gariel et toute l’équipe, projet dont je m’inscris pleinement dans la continuité. Je salue ici leur travail et m’attelle d’ores et déjà au renouvellement du label « Scène conventionnée d’intérêt national » avec la mention « Art en territoire » pour 2025-2028. Je souhaite poursuivre l’aventure initiée.

Dans votre projet — « Théâtre de Gascogne : l’audace culturelle ! » — il est question de « conforter les grandes missions », de « confirmer la singularité d’un théâtre de caractère avec un haut niveau d’exigence artistique », d’en faire un lieu « d’expériences multiples et d’aventure culturelle », mais aussi de développer « la dimension hors les murs ». Mais encore…

Mon objectif est de devenir les théâtres de Gascogne. Soit Le Pôle à Saint-Pierre-du-Mont, Le Molière et Le Péglé à Mont-de-Marsan, et les territoires. L’un des enjeux, ce sont les communes rurales pour lesquelles évaluer de nouveaux rapports. Par exemple, l’adresse aux territoires, c’est entamer une collaboration avec les 24 cercles de Gascogne en mettant sur pied les cafés chantants.

Autre tâche, l’ingénierie culturelle. Ainsi accompagnerons-nous les villes de Saint-Sever et d’Aire-sur-Adour dans la structuration de leurs saisons et de leurs programmations. Je pourrais également citer le prolongement du volet Culture et Sports avec le Stade Montois. Sans oublier le soutien à la création, les enjeux des circuits courts ou de l’éco-conception.

« Petits, grands, néophytes, amateurs, abonnés, tout le monde est ici bienvenu ! »

L’éditorial bilingue, gascon et français, de la brochure de saison 24/25 est-il un signe fort ?

J’ai toujours porté une immense attention aux langues et aux cultures régionales, donc le gascon vient naturellement. J’ai envie de mettre en valeur cette culture mais aussi la course landaise ou le rugby et de les confronter avec des pratiques contemporaines.

Que signifie le sous-titre « Pour tous les regards » ?

Petits, grands, néophytes, amateurs, abonnés, tout le monde est ici bienvenu !

Quelles sont les nouveautés mises en œuvre ?

D’abord, la carte TdG. Plus souple, plus libre qu’un abonnement traditionnel, elle offre une réduction entre 6 et 10€ par spectacle dès le premier billet acheté. Ensuite, cinq nouvelles formules d’abonnement, les « combos », une sélection de 6 spectacles amoureusement concoctés par l’équipe avec un tarif avantageux.

Premier Pas, adapté aux moins de 6 ans. Famille, je vous aime, à destination du jeune public. Premier Regard, des créations soutenues, coproduites ou accueillies en nos murs. Vous avez dit classique ?, un florilège du grand répertoire. Dia !, une invitation à la surprise.

Cette saison est-elle sujette à des changements notables ?

Septembre a été consacré au « théâtre en fabrique » avec 6 compagnies accueillies. Nous ouvrons ce mois-ci pour pas moins de 117 levers de rideaux ! Mai sera majoritairement hors les murs afin que les écoles municipales puissent présenter leurs spectacles de fin d’année sur nos trois scènes. La saison s’achèvera début juillet avec Arte flamenco ; nous ne sommes pas l’opérateur mais intégrons le festival à notre programmation.

Et dans le futur ?

En finir avec la séance « scolaire » afin d’ouvrir la représentation à tout le monde. Le fruit d’une réflexion sur le vieillissement de la population et la nécessité d’adapter le théâtre à cette évolution. À un certain âge, on vient plus facilement en matinée qu’en soirée. Dans cette optique, nous avons un sacré chantier avec le 12h-14h culture car j’ai envie d’un théâtre ouvert toute la journée avec de nouvelles relations et de nouveaux spectateurs. Je regrette, hélas, de ne pouvoir proposer une programmation estivale et de rester ouvert après juin. C’est comme si nous étions une médiathèque fermée le samedi…

Content de votre outil ?

Certes, avec 600 places, je ne peux pas tout faire, mais je suis plus que satisfait. De toute manière, je ne situe pas mon travail ici. Mon ambition, c’est la proximité. Je rappelle que 22 millions de Français vivent en milieu rural, loin des gros équipements culturels structurants. Le temps est plus que jamais à la mutualisation à l’image des actions menées avec le festival de cirque Rue des étoiles à Biscarosse.

D’autres pistes à explorer ?

Tellement… Les mobilités, problématique fondamentale en milieu rural. L’éducation au regard pour cette génération qui aura 20 ans en 2030, pour qui je souhaiterais instaurer une résidence de journaliste afin d’accompagner les jeunes ouvreurs du TdG pour les faire grandir comme acteurs culturels. J’ai une profonde envie de former de nouveaux citoyens culturels.

Je pense aussi au nécessaire effort en termes de marketing culturel en collaborant avec des créateurs de contenu, en totale immersion, pour faire connaître autre chose du TdG. Enfin, un de mes chevaux de bataille : la santé culturelle des moins de 3 ans. L’invasion des écrans chez les tout petits conduit à la malnutrition culturelle ! Je tiens à développer des résidences d’artistes en crèche.

Un directeur confiant ?

C’est un choix de venir ici et j’en suis ravi. J’imprimerai ma « marque » au fur et mesure, sans révolution de palais : le Gasc’On Tour a fêté sa 4e édition, Yeraz sera de retour en 2025. Comme il n’existe pas d’autres scènes conventionnées dans le département, nous avons un devoir, une responsabilité. Toutefois, en prenant de la hauteur, je nourris de grosses craintes pour le futur mais suis persuadé que les « petits lieux » comme le TdG seront appelés à devenir des lieux de résilience.

Propos recueillis par Marc A. Bertin