Créations collectives et premières écritures dramatiques, les étudiants des écoles de théâtre du tnba et de l’Estu ont carte blanche en ce printemps, à Limoges et Bordeaux. Un aboutissement autant qu’un tremplin vers leur futur professionnel.
Cela fait trois ans qu’ils éprouvent le jeu théâtral, s’immergent dans de longues semaines de workshop. Cette fois-ci, les voilà à la manœuvre de A à Z : écrivant (parfois), mettant en scène, scénographiant, jouant, assurant la direction d’acteurs, gérant une équipe.
Les élèves comédiens — 14 à l’école du tnba (ex-éstba), 16 à l’École supérieure du Théâtre de l’Union — ont carte blanche en ce mois de mars, pour des créations singulières qui sont comme un point d’orgue du projet pédagogique ; avec la création de sortie d’école en juin.
« Les maîtres et les élèves »
« C’est très chouette d’être en autonomie, d’avoir un endroit où nous sommes à la fois les maîtres et les élèves », commente Marion Rozé, qui jouera dans quatre des cinq projets présentés au tnba.
Petit budget de production alloué, semaines de répétition et de création balisées depuis l’an dernier : les futurs diplômés créent en conditions quasi pro. « Un des enjeux de ces créations, c’est l’écriture, précise Pauline Merveille, coordinatrice de l’école à Limoges. Aurélie Van Dan Daele [directrice du Théâtre de l’Union et de l’école, NDLR] a choisi ces quatre projets pour leurs qualités d’écriture. Puis, il leur a fallu opérer en toute bienveillance avec l’ensemble de leur promotion, ce qui est un vrai enjeu pour eux, qui sont très amis dans la vie. »
Garder un dialogue constant
À Bordeaux et Limoges, tous les élèves sont impliqués à des places différentes. Néanmoins, comment passer d’une bande de copains soudés par trois ans d’intenses études à une relation quasi professionnelle ?
« C’est plutôt un atout qu’on se connaisse bien, témoigne Marion. Bien sûr, la frontière pro/perso n’est pas facile à trouver, et la place de metteur en scène est délicate à appréhender pour ne pas être dans le trop de contrôle, et garder un dialogue constant. Mais les porteurs et porteuses de projet s’en sortent bien, je trouve ! Même si une forme de stress monte. Alors on se redit : “attention, les rapports entre nous priment sur les pièces”. »
Dans ce melting-pot créatif, les genres et les registres s’affolent, témoins d’écritures singulières et d’esthétiques variées. Au tnba, on retrouve un classique – Tambours dans la nuit de Brecht, par William Burnod et Samuel Santos Aguiar ; un clin d’œil irrévérencieux et féministe à l’œuvre de Niki de Saint Phalle – Faire la nique d’Apolline Clavreuil ; un croisement entre les ravages du libéralisme et la résistance de Bartleby – La Fuite mon fusil de Matthieu Bousquet ; un éloge du doute inspiré de la BD de Manu Larcenet – Thérapie de groupe de Pauline Rousseau ; et une fable joyeuse sur les troubles alimentaires – Pourquoi tu chipotes de Marie De Dinechin et Matteo Perez.
Histoire d’amour XXL
À Limoges, Madame de Lila Pelissier explore une histoire d’amour XXL du 3e âge ; Danser sur les volcans de Justine Canetti pose des questions sensibles face au monde qui vient ; RER D, mis en scène parAyat Ben Yacoub, recourt à l’écriture collective dans une déambulation banlieusarde ; Les dieux sont au PMU de Marcel Farge investit une friche industrielle pour croiser les écrits de Kae Tempest et Matei Vişniec.
Ces cartes blanches, à l’accès libre et gratuit, représentent aussi de véritables opportunités professionnelles. « Si on arrive à inviter tel pro ou telle compagnie, on espère que cela générera un emploi. Ces formes artistiques, créées sur un temps d’école, pourront peut-être aussi être présentées dans des festivals de formes émergentes, ou même être diffusées. Dans un monde où la culture est en grande difficulté, c’est important pour nous. »
Parmi eux, certains ont déjà monté une compagnie, comme Lila Pelissier, d’autres y songent sérieusement.
Stéphanie Pichon
Informations pratiques
Carte blanche,
du jeudi 13 au dimanche 16 mars,
Théâtre de l’Union et hors les murs (ESTU), Limoges (87).
Festival des Cartes blanches de l’école du tnba,
du mardi 18 au samedi 22 mars,
tnba, Bordeaux (33).
Entrée libre, sans réservation dans la limite des places disponibles.