La comédienne Anaïs Muller et son comparse Bertrand Poncet divaguent autour de la figure de Marguerite Duras dans Là où je croyais être il n’y avait personne, deuxième volet des Traités de la perdition, entre Poitiers et Bordeaux.
✏️ Propos recueillis par Stéphanie Pichon
⌛8 minutes
Là où je croyais être il n’y avait personne et le deuxième volet de la trilogie les traités de la Perdition, Qu’est-ce qui relie les trois pièces ?
Au départ, il y avait l’envie d’être deux sur un plateau et de tout faire — jouer, écrire, mettre en scène —, qu’il n’y ait plus de metteur en scène mais des acteurs libres de jouer et déjouer sans arrêt. Notre premier spectacle, Un jour j’ai rêvé de toi, est un peu notre manifeste.
On y a trouvé une façon à nous d’être sur scène, dans une recherche du présent proche de la performance, dans un rapport intime avec le public, avec beaucoup d’autodérision et d’humour, même si le fond est tragique. On s’amuse à arrêter le spectacle, à faire croire à l’imprévu, à tenter de faire des blagues. Cela donne au spectateur un rôle actif, il se questionne en permanence sur ce qu’il voit.
Là où je croyais être il n’y avait personne s’inspire de Marguerite Duras. Pourquoi elle ?
C’est quelqu’un que j’aime beaucoup, qui a été importante, dont j’ai lu tous les livres. Bertrand est peut-être moins fan. On a travaillé deux ans autour de son œuvre, lu sa biographie, vu ses films. Le spectacle s’est construit autour de son personnage, très narcissique, qui peut dire une chose très profonde et une énorme bêtise avec la même conviction !
C’est une figure touchante qui a mythifié sa vie au point de ne plus savoir si elle était le personnage qu’elle avait construit, au point de croire aux mensonges qu’elle avait fabriqués. « Là où je croyais être il n’y avait personne » est une phrase qu’elle a dite avant de mourir. Nous aussi sur scène, on s’invente beaucoup de choses, on se fantasme, on se perd entre la réalité et la fiction.
Au point d’avoir inventé vos doubles fictifs, Bert et Ange, personnages fils rouges de la trilogie.
Ce sont des alter ego, des prolongations de nous-mêmes, des clowns qui ont le droit de tout dire, de ne pas être moral, d’être des chenapans, des mauvais élèves… Mais ils sont aussi touchants car vulnérables. Ils se moquent d’eux-mêmes, ce qui leur offre une grande liberté de parole.
Toute création vient toujours d’ailleurs, nous sommes constamment nourris de références.
Ce deuxième volet décortique aussi ce qu’est l’écriture en train de se faire.
Oui, Bert et Ange s’essaient à écrire une histoire à la façon de Marguerite Duras. Ils s’en inspirent, jusqu’à l’envoyer sur le plateau, et la faire apparaître, l’incarner. On écrit, on devient les personnages qu’on écrit, on navigue, et puis on ne sait plus qui on est : les personnages, les auteurs ou les acteurs. C’est une écriture millefeuille, qui raconte aussi une histoire d’amour entre un frère et une sœur, puisée chez Robert Musil dont Marguerite Duras s’est elle-même inspirée pour un livre. Car toute création vient toujours d’ailleurs, nous sommes constamment nourris de références.
Le troisième volet fait appel à Proust…
Oui, et s’inspire d’À la recherche du temps perdu, cela s’appelle Scandale et Décadence, on y retrouve Ange et Bert, malades, qui veulent à tout prix devenir célèbres. La pièce est créée fin février et vient clore Les Traités de la perdition.
Et ensuite ?
On a plein d’idées de spectacles, il va falloir qu’on tranche ! Pour l’heure, on lance une série autour d’Ange et Bert, dont on tourne bientôt un pilote, et un projet de long métrage. Au théâtre, on va jouer les deux derniers spectacles, et commencer à proposer la trilogie dans son ensemble.
Informations pratiques
Là où je croyais être il n’y avait personne, Anaïs Muller et Bertrand Poncet,
Du mercredi 15 au jeudi 16 mars, 21h,
TAP, Poitiers (86).
Du mardi 21 au samedi 25 mars, 20h, sauf le 25/03, à 19h,
TnBA, salle Vauthier, Bordeaux (33).
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