Avec Sitcom, Nicolas Meusnier entamait un plongeon vertigineux dans un récit de soi performatif, tendu, hybride. Ce premier épisode, joué à la Halle des Chartrons, a depuis été complété par Heartbreaker(s), et la création en cours de Storytelling.
Depuis qu’il a pris le chemin de l’écriture, un flot s’est déversé. Une masse littéraire, théâtrale, personnelle, orale et poétique, dans laquelle Nicolas Meusnier pioche — physiquement, feuilles éparses au sol — de quoi nourrir sa série de performances autofictives.
Sitcom, Heartbreaker(s) et désormais Storytelling sont les trois épisodes de son récit intime et hybride. Celle d’un gamin ayant grandi à la campagne, mal aimé par sa mère, dans un climat de violence sourde, de non-dits familiaux et de folie ordinaire. Très éloigné du milieu artistique vers lequel il va s’orienter coûte que coûte, jusqu’aux Beaux-Arts de Bordeaux.
Sitcom ouvre la possibilité de faire coexister des mondes aux antipodes
Cette écriture « depuis la marge », déclenchée « telle une urgence, à la suite d’un événement au sein de [sa] famille », lui permet de dire une construction de soi non-univoque, tiraillée entre des influences aux apparences contradictoires. Sitcom ouvre la possibilité de faire coexister des mondes aux antipodes — Loft story, la télé-réalité et les comédies musicales américaines, Lars von Trier, Romeo Castellucci, Isabelle Adjani —, des façons de parler aussi.
« J’y fais coexister mon amour de l’écriture littéraire et le langage de ma famille, celui d’un petit village de campagne, l’héritage d’un occitan déformé. Je rends hommage à une langue qui va disparaître, celle de ma grand-mère. Si ça n’est pas moi qui en parle, qui ? »
Réunion autour de la table
Dans Sitcom, la table occupe une place essentielle. « C’est le lieu du partage et lieu des répulsions, le moment où la famille se réunit, l’endroit que j’ai toujours eu envie de quitter. C’est aussi l’endroit où j’écris. » Le public est tenu tout proche. Autour. Une fois, sa famille a voulu venir voir cette création de ce fils, de ce frère devenu artiste.
Sans savoir qu’ils en seraient les personnages principaux. « Ils commentaient tout en direct, rectifiaient leur vérité, sans maîtriser les codes du théâtre. Ils ont pleuré aussi », raconte l’auteur, soulagé que finalement cette coexistence soit possible et que les vérités dévoilées soient entendues.
Dans le deuxième volet Heartbreaker(s), assumant son goût du chant et des comédies musicales, il revient sur sa vie de jeune adulte, ses expériences sexuelles et amoureuses avec des hommes. En janvier, toujours accompagné et soutenu par les Marches de l’été de Jean-Luc Terrade, il présentera le troisième épisode, Storytelling, lors du festival Trente Trente.
Retour à la table, celle du spiritisme cette fois. Nicolas Meusnier convoque les fantômes, en une séance d’exorcisme où la figure de la mère se fait obsessionnelle. Quand on évoque la possibilité d’une publication de ces écrits-fleuves, Nicolas Meusnier ne semble pas prêt. « Cette écriture navigue entre roman, pièce de théâtre et essai, avec beaucoup d’oralité, de pages descriptives, de niveaux d’énonciation variés. C’est une matière mouvante dont la forme peut en permanence être modifiée pendant la performance. Je ne sais pas s’il est honnête de la figer. »
Stéphanie Pichon
Informations pratiques
- Sitcom, Nicolas Meusnier,
mardi 7 et mercredi 8 novembre, 20h,
Halle des Chartrons, Bordeaux (33). - Storytelling, Nicolas Meusnier,
samedi 27 janvier 2024,
Glob Théâtre, Bordeaux (33).
Dans le cadre du festival Trente Trente.