Véritable machine clownesque à déminer les stéréotypes sur le corps, la Turinoise Silvia Gribaudi fait de la danse un grand écart de rire. La preuve en deux pièces : Grand jeté ou R. OSA, jouées dans la région.
Quand elle a débarqué sur les scènes françaises avec A corpo libero — solo impertinent — ou Graces — irrésistible quatuor en slip pour trois danseurs et elle-même — Silvia Gribaudi a fait hurler de rire des milliers de spectateurs de danse contemporaine. Ce qui ne leur arrive, reconnaissons-le, pas si souvent.
Brunette à la silhouette gironde et aux cheveux courts, la chorégraphe de 50 ans ne correspond pas tout à fait aux allures de sylphides qu’on plaque sur les danseuses classiques. Pourtant, elle y a fait ses armes dans les années 1990. « Dans ma jeunesse, j’étais ballerine et très mince. À partir de mes 26 ans, mon corps a commencé à s’étoffer, témoignait-elle au Théâtre de la Ville. Que faire de ces rondeurs ? J’ai décidé de redécouvrir mon corps, pour voir quels mouvements pouvaient en découler. En 2008, j’ai créé mon premier solo, A corpo libero, avec lequel j’ai gagné un prix pour jeunes chorégraphes en Italie. »
Aller chercher le public par le rire
Bifurquant alors vers la danse contemporaine, elle y trouve une place à part de performeuse clownesque, fine connaisseuse de la danse, ses techniques, son histoire et magnifique meneuse de revue qui sait, comme personne, aller chercher le public par le rire. « Ce sont l’humour et l’ironie qui m’ont permis de prendre de la distance par rapport à tout ce qui, en tant que danseuse, me faisait me sentir inadéquate. C’est avec l’humour que le clown assume le fait d’être inadéquat, de se tromper. J’ai trouvé dans cette erreur permanente une grande ressource, ça m’a offert une soupape vraiment révolutionnaire. Une révolution qui joue de la transformation à travers l’ironie, et qui permet de dire librement ce que je pense en riant avec les autres. »
Silvia Gribaudi prend donc la parole sur scène, souvent, presque toujours, pour établir un rapport très direct avec le public et ses interprètes. Elle le faisait avec trois éphèbes dans Graces, pièce inspirée de la sculpture des Trois Grâces deCanova, qui dynamitait les concepts de beauté et de genre.
Jouer avec les codes de la danse
Elle récidive dans Grand jeté, présenté à la scène nationale d’Angoulême, aux Carmes, à Langon, et au TAP, à Poitiers, y guidant une troupe virtuose de dix jeunes danseurs et danseuses au cordeau (MM Contemporary Dance Company) avec qui elle joue des codes de la danse classique ; du grand final au grand jeté. Et ça commence d’ailleurs comme ça, un final placé au début, moment d’inconfort qu’elle décale jusqu’à se mettre le public dans la poche. Nous voilà directement placé en orbite de son opération de déminage burlesque, qui va s’autoriser toutes les sorties de route, procédant par touches et flashs joyeusement désordonnés, et sollicitant en permanence la participation du public.
À noter qu’un peu plus tard dans la saison, Chahuts et la Manufacture proposeront à Bordeaux, un autre solo de la Gribaudi, créé en 2015, R. OSA, 10 esercizi per nuovi virtuosismi. Cette fois-ci, ce n’est pas elle qui joue, mais Claudia Marsicano, incroyable performeuse napolitaine à la corpulence généreuse et en justaucorps bleu turquoise. Dix saynètes comico-chorégraphiques suffisent à dézinguer sans appel la question de la virtuosité. Voici un autre corps féminin totalement libre. Voici un autre grand éclat de rire.
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Stéphanie Pichon
Informations pratiques
Grand jeté, Silvia Gribaudi & Zebra – MM contemporary dance company,
mardi 25 mars, 20h30,
mercredi 26 mars, 19h30,
Théâtre Angoulême, Angoulême (16).
vendredi 28 mars, 20h30,
Les Carmes, Langon (33).
jeudi 17 avril, 21h30, dans le cadre du festival À Corps,
TAP, Poitiers (86).
R.OSA, 10 esercizi per nuovi virtuosismi, conception, chorégraphie et mise en scène Silvia Gribaudi, vendredi 13 juin, 19h30,
Campus Victoire – Station Marne, Auditorium, Bordeaux (33).