D’un spectacle à l’os, créé en prison, le dramaturge Joël Pommerat a imaginé une deuxième version d’Amours, au dehors. Un condensé de son théâtre, radical et intense.
Chaises grises. Lumières crues. Pas de costumes. Pas de décor. Simplement le texte, et la présence magnétique de cinq comédiens. Amours (2) met le théâtre à nu et cela n’en est que plus intense. Les spectateurs pourront s’en rendre compte lors des représentations mardi 23 et mercredi 24 mai au Cube Cirque à Boulazac-Isle-Manoire (24).
Pour comprendre les raisons de cet ascétisme scénographique, il faut revenir à la première version, Amours (1), créée en 2019 avec des détenus de la prison d’Arles, là où Joël Pommerat mène depuis 2014 un travail théâtral au long cours, qui a donné lieu à trois autres créations.
Proximité avec les comédiens
Ce quatrième projet est« né de l’idée de faire un spectacle qui bouscule le moins possible le fonctionnement de la prison. Il a été créé dans une salle où on avait la possibilité de répéter avec les détenus depuis 6 ans », explique-t-il. La direction de la prison ayant demandé à l’équipe de travailler de façon plus légère et moins contraignante que pour les précédentes pièces qui avaient nécessité force décor et implication du personnel.
De ce premier épisode est aussi resté Jean Ruimi, détenu engagé depuis les débuts dans ces projets à la prison d’Arles, aujourd’hui à l’air libre et comédien professionnel. À ses côtés, un autre ex-taulard, Redwane Rajel, ayant joué en prison avec Olivier Py, et trois formidables actrices, Élise Douyère, Roxane Isnard et Marie Piemontese, cette dernière compagne de route de très longue date de Pommerat et de la compagnie Louis Brouillard. La proximité avec les comédiens — les spectateurs sont à hauteur du plateau — n’autorise aucune tricherie.
Une écriture tranchante et lyrique
Cette courte pièce patchwork — on y retrouve des extraits de Cet enfant (2006), Cercles/Fictions (2010) et La Réunification des deux Corées (2013) — pourrait être considérée comme un side-project de Joël Pommerat, immense monsieur du théâtre contemporain, dont on ne compte plus les mises en scène à la beauté magistrale.
Or, son épure en fait, à l’inverse, un condensé de son écriture tranchante et lyrique, cruelle et poétique. Les dix fragments concentrent toute l’essence de son théâtre, de sa façon de collaborer avec les comédiens et des thèmes qui le hantent : l’amour, les empêchements, les non-dits, les blessures familiales, les désaveux filiaux, les vérités qui éclatent violemment, les colères chuchotées. L’écrin sans fard.
Stéphanie Pichon
Informations pratiques
Amours (2), Cie Louis Brouillard — Joël Pommerat,
du mardi 23 au mercredi 24 mai, 19h et 20h30,
Le Cube cirque, Agora PNC, Boulazac-Isle-Manoire (24).