Plus de deux ans après l’effondrement des n°19 et 21 de la rue de la Rousselle, le site n’est toujours pas prêt à accueillir les riverains. Cependant, il reprend des couleurs avec l’installation du projet « Château Rousselle » des artistes Landroïd et Vincent Sereks.
Serpentant dans le centre historique de Bordeaux, la rue de la Rousselle est tristement entrée dans l’histoire en juin 2021, à la suite à l’effondrement de deux immeubles, déracinant près de 130 habitants de leurs foyers, sans heureusement faire de victimes. Depuis, le paysage de la rue a complètement changé.
Après plusieurs mois de blocage, le passage est de nouveau autorisé, mais les stigmates du drame sont toujours visibles. Toutefois, cette rue a toujours été un terrain fertile à la création et à l’art urbain bordelais. Théâtre et galeries d’art sont installés dans cette veine essentielle du vieux Bordeaux. Sans omettre les collages qui y fleurissent à intervalles réguliers. Le dernier en date célèbre Michel de Montaigne, fierté locale puisque sa maison familiale fait l’angle avec l’impasse Fauré.
Idée loufoque et colorée
Suivant cette dynamique artistique, la ville de Bordeaux et la galerie d’art contemporain 5un7 ont décidé de redonner vie à ce chantier morose. Après un appel à projet, deux artistes du collectif 1 000 m2, Landroïd et Vincent Sereks, et leur idée loufoque et colorée, ont décroché le droit d’établir leur vision dans la rue de la Rousselle. Leur proposition a pour but de remplacer, poétiquement et non sans humour, ce morne tableau par une scène pleine d’espoir, ouverte sur un avenir pourtant encore lointain.
Après deux semaines in situ, les deux artistes ont pu mettre en place et terminer leur œuvre, avec l’aide des riverains et des commerçants voisins.
Depuis le 25 octobre 2023, s’affiche une pièce mêlant pixel art (association de pixels de couleur pour créer des œuvres) et canevas (toile à tissage utilisée par exemple comme support dans la tapisserie à l’aiguille). Landry Munoz et Vincent Sereks joignent leurs styles pour apporter de la couleur et du charme à la rue.
« Apporter une énergie nouvelle »
Landry Munoz a produit une fresque aux personnages d’ouvriers zoomorphes (personnages humanoïdes à tête d’animaux). S’étendant tout le long du chantier et attirant l’œil de tous les passants, elle met en scène ces extravagantes créatures œuvrant pour l’effort commun et la réparation du site. Accompagné d’un jeu virtuel à l’aide de QR code — malheureusement défaillant lors de notre passage —, ayant pour but de montrer le lieu après les travaux des personnages de l’artiste.
Puis, en levant les yeux, entre les échafaudages et les poutres de maintien, on peut apercevoir les illustrations de Vincent Sereks flottant dans le vent, apportant de la couleur à la grisaille bordelaise. Ces fanions bariolés, de près de 2×3 mètres de pixel art, sont comme le décrit l’intéressé sur son compte Instagram comme un « Talisman » pour « chasser toutes sortes de malfaisance astrale persistante ». Pour lui, cette immense création est « destinée à apporter une énergie nouvelle et réparatrice dans ce coin de rue singulier ».
Même si habiter de nouveau au n°19 et n°21 rue de la Rousselle semble, aujourd’hui, prématuré, la vie revient doucement au « « Château Rousselle » ; le nom du projet commun mené par le duo. Pour l’instant, impossible de dire avec certitude si les immeubles seront reconstruits en raison de la fragilité des bâtiments avoisinants. Ainsi, trois adresses (les n°17, 23 et 25) sont toujours privées de leurs habitants, la crainte d’un effondrement étant toujours envisagée. Toutefois, si les fondations restent encore fragile, l’espoir, lui, commence à revenir.
Louis Colas