JULIE DOUCET. Après l’avoir couronnée de son Grand Prix l’année dernière, le Festival International de Bande Dessinée invite Julie Doucet à Angoulême à l’occasion d’une immanquable rétrospective qui lui est consacrée.
✍️ Guillaume Gwardeath
Julie Doucet avait bien failli disparaître. De sa propre initiative. Fatiguée de la bande dessinée. Fatiguée de la condition des femmes dans le monde de la bande dessinée. En 1999, elle avait décidé de lever le crayon, après être devenue, pas même âgée de 35 ans, un nom majeur au sein d’un réseau qui venait de troquer le qualificatif d’« underground » pour celui d’« indépendant ».
Et surtout, elle avait durablement marqué lecteurs, auteurs et éditeurs. Jean-Christophe Menu, membre fondateur de la maison d’édition L’Association, synthétisera ainsi sa découverte du premier numéro de Dirty plotte, le fanzine séminal de Julie Doucet : « un choc comme j’en aurai peu dans ma vie ». Le lecteur y prenait en pleine face des giclées d’histoires exceptionnellement singulières, une invraisemblable fusion entre les traits démentiels de Crumb et de Bukowski, des problèmes taille XXL de tampons hygiéniques et de boyfriends psychopathes, un efficace féminisme pragmatique de riot grrrl timide et, bien sûr, de mémorables audaces graphiques.
Julien Misserey, adjoint à la direction artistique du festival d’Angoulême et commissaire de l’exposition qui lui est dédiée, a des mots définitifs au sujet de Julie Doucet : « Au vu de l’évolution de la création dans ce champ ces vingt à trente dernières années, il semble rétrospectivement évident que l’autrice québécoise avait des années d’avance, à plusieurs degrés. »
L’artiste aura commencé son XXIe siècle par un retour à ses chères études : l’art imprimé – bois gravé, linogravure, sérigraphie… – et, de manière intensive, au collage. Une disparition des librairies, mais sans cesser de multiplier les images.
Ce mois de janvier, à la surprise générale, celle qui avait promis de stopper bande dessinée et autobiographie publie Suicide total chez l’éditeur L’Association, celui-là même qui avait accompagné ses premiers pas en France, lors de ses années d’errance et de rêves destroy ; l’ouvrage est un leporello, un livre qui se déplie tel le soufflet d’un accordéon pour donner à lire vingt mètres linéaires de souvenirs saturés de portraits et de situations enchâssées.
La conclusion, provisoire, est à trouver dans les mots de Julien Misserey : « exploration autobiographique, questionnement sur l’identité féminine et réflexion sur le langage bande dessinée… Nous n’en avons pas fini avec Julie Doucet ».
Informations pratiques
« Julie Doucet, toujours de grande classe »
Du jeudi 26 au dimanche 29 janvier
Hôtel Saint-Simon, Angoulême (16)
Suicide total (L’Association)