Nouvelle table bordelaise, ambitieuse et modeste, Pin Pon se veut « cantine de quartier » et c’est vrai.

« Qu’est-ce qu’on a fait des tuyaux/Des lances et d’la grande échelle/Qu’est-ce qu’on a fait des tuyaux/Pas d’panique il nous les faut ! » C’était prévisible. Avec un tel blase, clin d’œil facétieux à la caserne Ornano située à deux pas, Sacha Distel serait forcément du voyage.

Depuis l’été 2024, on a assisté à l’avancement du chantier, des travaux, puis à l’installation, et, enfin, à l’inauguration, début novembre, de Pin Pon. Ici, jadis, à l’angle du cours de la Libération et de la rue Mouneyra, c’était Choupinette. Un nom aussi tarte que des menus sans grande inspiration. Heureusement, tout a changé. Tant mieux ! Les deux salles, spacieuses et lumineuses, l’imposant comptoir et son ciel de bar bleu roi, les notes acidulées, le sol plus clair, le mobilier et les généreuses banquettes. On y accueille, à vue d’œil, une cinquantaine de commensaux et quand vient le coup de feu, le brouhaha rappelle les riches heures de la brasserie à la française.

« Le bouche-à-oreille fonctionne très bien »

Du monde, il y en avait en ce vendredi maussade. Pour faire fi de la pluie glacée, la complète en ligne de mire. Combien ? 24€ entrée, plat, dessert et le sourire de Chloé, ancienne de Ganache, attentive au bien-être de la clientèle. Clientèle de plus en en plus fidèle, entre collègues de bureaux et gens du quartier. « On était attendu au tournant et le bouche-à-oreille fonctionne très bien. » Bons indices.

Du lundi au vendredi, Pin Pon ouvre à l’heure du crème et du calva, mais le récital se joue véritablement à l’heure du déjeuner. En cuisine, un sacré duo de magiciens, passés par Le Charabia et Symbiose. Trois entrées. Trois plats (dont une option végétarienne). Et deux desserts. Les gars ne sont pas venus pour poser du placo, plutôt pour sublimer des choix d’apparence bistronomique laissant pantois.

On commence par un velouté de poireaux, lard fumé et huile verte. Efficace, maîtrisé. Ça réchauffe, c’est onctueux. Arrosé d’un verre de saint-chinian du Domaine Marie de Lauzerda (5€), rouge ad hoc en provenance de l’Hérault, c’est encore plus savoureux.

Cuisson divine

Vendredi, jour du poisson, le chrétien gourmand se délecte d’un pavé de maigre, crémeux de céleri, fenouil croquant, curry vert. Que dire ? Cuisson divine. Céleri décliné en crémeux renversant et batônnets façon frites. Tagliatelle de fenouil, poids gourmands croc croc et un curry de malade. Sans faute dans le mariage des textures On a même osé le pain (rien à dire à ce sujet, vous pouvez le déguster tel quel) pour ne rien laisser dans l’assiette ; mention chouette à la vaisselle qui ose le rétro sans tomber dans le décor. Sans faute dans le mariage des textures. Le tout agrémenté d’un verre de Nuit Blanche (6€), impeccable blanc sec et frais, 100% sémillon en provenance du vignoble Lagrange à Capian

Bec sucré ? Une pavlova, gelée d’orange sanguine et suprêmes d’agrumes, totalement mirifique. La meringue tout en contrastes de textures, la mousse digne d’un nuage, la juste pointe d’amertume. Chapeau bas.

En fin de semaine, les jeudis et vendredis, c’est l’heure joyeuse entre 17h30 et 19h30. Cocktails classiques, bières qui déglacent la glotte et pour éviter d’être pompette, Pin Pon picore (du tataki à la terrine, de l’œuf mayo au cromesquis, du poulet karaage au topinambour rôti).

Dans ce quartier, longtemps réputé pour sa disette, Pin Pon rejoint l’Amédée, Panaille, Lucca, Chai Maestro, Halva, et l’épicerie Brut(e)s (qui prépare sa formule traiteur à emporter), sacrés repères du bon, où l’on a plaisir à revenir casser la croûte. Enfin, un bonheur n’arrivant jamais seul, la terrasse débarque au printemps.

Marc A. Bertin

Informations pratiques

Pin Pon,
11, cours de la Libération, 33000 Bordeaux
Réservations 05 54 79 89 34.
Du lundi au vendredi, 9h-14h. Jeudi et vendredi, 17h30-22h30.
Fermeture samedi et dimanche.