Pendant deux heures, l’humoriste Waly Dia a échangé avec le Collectif des Dérapeurs, comprenant des usagers de l’hôpital Charles Perrens, devant une salle de curieux venus pour l’occasion. Un moment de bienveillance et de partage hors du temps, organisé par l’institution hospitalière et le festival des Fous Rires de Bordeaux.
En ce lundi après-midi grisonnant de fin septembre, personne ne scrute la pendule, ni le panneau « Arrêt boissons chaudes » de la cafétéria de l’espace Oxygène du centre hospitalier Charles-Perrens. Pourtant, il y a foule : près de 80 personnes se serrent dans cet espace, remanié en lieu de discussion. Mais toutes n’ont d’yeux que pour l’une des étoiles brillantes de l’humour hexagonal : Waly Dia.
Il est venu répondre aux questions d’un groupe de nouveaux journalistes, le Collectif des Dérapeurs. Soit 25 usagers du centre hospitalier : patients en hôpital de jour ou hospitalisé, mais aussi personnel soignant et encadrant, familles…
Un moment d’échange préparé de longue date conjointement par l’institution hospitalière, avec notamment la responsable culture et santé, Stéphanie Gonzalez, et le festival des Fous Rires de Bordeaux par l’entremise de sa directrice artistique Fanny De La Croix. Un premier galop d’essai avait été réalisé en mars dernier, avec Manu Payet, lors de la dernière édition des Fous Rires.
France Inter ou média libre ?
Pour ce nouveau rendez-vous, la vie de Waly Dia, qui a tout de suite accepté l’invitation, a été passée au crible lors de séances de travail. Dès lors, voir ce moment de partage débuter par une prestation de haute volée signée Julia et Hamza, deux danseurs de la compagnie Level Up, invités par le collectif, semble logique puisqu’il s’agit d’un clin d’œil au passé de danseur de l’humoriste.
Vient ensuite le temps des questions. Elles arrivent en rafale avec à chaque fois des choix cornéliens. Chocolatine ou pain au chocolat ? France Inter ou média libre ? Les Fous Rires de Bordeaux ou le festival de Montreux ? Dans l’ordre : Chocolatine, média libre et bien sûr Les Fous Rires de Bordeaux.
Après ce feu d’artifice inaugural, les interrogations d’Hubert, Marie-Do, Claire, Mathieu, le très investi Gaëtan et consorts se dirigent vers l’intime du professionnel du rire actuellement en tournée. Évocation de sa maman, infirmière en psychiatrie au service troubles alimentaires, mais aussi de ses premiers pas sur scène, il y a 14 ans, dans une cave face à huit clients à la sobriété relative. Heureusement, la moitié de ce public capricieux a rigolé à ses premières blagues, ce qui lui a donné envie de continuer sa route dans la gaudriole politiquement engagée.
Parole libérée
Entre chaque prise de parole, on applaudit les intervenants, les sourires s’installent sur tous les visages, la bienveillance est de mise, et la parole des journalistes en herbe et de l’invité spécial se libèrent sans jugement. Un moment voulu comme « simple et riche en émotions », selon les mots de Stéphanie Gonzalez. Clairement, le pari est réussi.
Une causerie rehaussée également par les « cadeaux » offerts par des membres du collectif. Des prestations de haute volée dans toutes les disciplines, du rap a cappella de Marc sur le thème des premières fois, au magnifique poème slamé de Yoann. La venue de Waly Dia agit comme un déclic pour certains tel David, qui n’avait plus dessiné pendant près de cinq ans, entravé par ses addictions. Il a repris la ligne pour délivrer une sublime illustration de l’affiche du dernier spectacle de l’humoriste qu’il lui a fièrement remis en main propre.
Au fil de la conversation, Waly Dia se livre autant sur ses sources d’inspiration — de Michel Audiard à Jacques Brel — que sur ses anciens petits camarades de France Inter qu’il ne devrait pas rejoindre sur Radio Nova pour cause de tournée et aussi après avoir été échaudé par les démêlés médiatiques lors de leur précédente collaboration.
Côté travail journalistique, prenons aussi note de quelques questions à ressortir lors d’un futur entretien (exemple : Quel est votre remède contre le cafard ? Réponse : l’écriture et la scène).
Dancefloor et jus de pomme
« Il faut venir sans calcul, s’imprégner des questions et répondre le plus sincèrement possible », reconnaît l’humoriste après coup. Un mantra humaniste appliqué jusqu’à la dernière des questions du public. Et ensuite ? La fête ! Une kermesse de fin d’année avec jus de pomme et gaufres pour les gourmands, puis cours de danse collectif sous la conduite de Julia et Hamza de Level up.
Derrière le dancefloor, Waly Dia signe tous les autographes possibles tandis que la file d’attente n’en finit pas de s’allonger. Sa célébrité doit bien sûr jouer, mais pas impossible non plus qu’à travers cette griffe manuscrite, chacun veuille garder la trace d’un moment hors du temps que seule la pendule au fond de la cafétéria a vu passer.
Bonne nouvelle, après ce crash-test incontestablement réussi, ce format de rencontre, inspiré par les médiatisées rencontres du Papotin, devrait être reproduit avec d’autres artistes. Si les dates ne sont pas encore définies, le Collectif des Dérappeurs pourrait bien reprendre du service aux alentours du festival des Fous rires de Bordeaux, du 17 au 22 mars 2025. Ils ont hâte. Nous aussi.
Guillaume Fournier, photos : Benoît Cary