Absente depuis dix ans, Casse-Noisette, la plus célèbre féerie de Noël, avec Clara et son armada de souris, revient du 5 au 31 décembre avec le Ballet de l’Opéra de Bordeaux, au Grand-Théâtre. Dans le rôle-titre, un grand danseur, élégant, charismatique et… humble ! L’étoile Riku Ota.

On va beaucoup voir Riku Ota entre le 5 et le 31 décembre sur la scène du Grand-Théâtre. L’étoile japonaise de l’Opéra de Bordeaux y interprétera Casse-Noisette/le prince dans le ballet éponyme signé Kaloyan Boyadjiev, lauréat du concours de jeunes chorégraphes de Biarritz en 2022.

« Une version traditionnelle très féerique, avec des décors magnifiques et la musique de Tchaïkovski. C’est très agréable à danser et très dansant, avec beaucoup de décalés un peu à la Balanchine, explique-t-il. Moi, je suis le Prince que la jeune Clara voit dans son rêve. J’imagine que je dois être le prince auquel tous les enfants rêvent. » Un rôle classique comme il les aime, de ceux qui l’ont amené à choisir la Gironde pour sa carrière.

« Exécuter les sauts et pirouettes »

Riku Ota est né en octobre 1998, à Iwate, au nord du Japon. Vers 8 ans, il rejoint sa grande sœur et sa cousine dans leur cours de danse classique. Autant dire que ce n’est pas trop sa tasse de thé : il n’y a que des filles… et, heureusement, un autre garçon avec lequel il se lie d’amitié. Alors il continue. En outre, il y a la collection de DVD de ballets de sa sœur et la légende Tetsuya Kumakawa, Principal au Royal Ballet de Londres. Puis, plus tard, Mikhail Baryshnikov, son danseur préféré. « C’était impressionnant de les voir exécuter les sauts et les pirouettes. »

À 10 ans, le jeune Riku commence à participer à des concours au Japon. La passion couve pour éclater à 12 ans, lorsqu’il gagne une grosse compétition à Tokyo. Désormais, il assume être danseur classique, en parle à ses amis à l’école, envisage d’en faire son métier. Le rêve ? « Danser en Europe ». « Et, le grand rêve, danser au Royal Ballet. »

En 2014 il décroche une bourse d’études pour la John Cranko Schule de Stuttgart. Direction l’Allemagne pour trois ans de formation, avec l’esprit léger de la jeunesse qui poursuit son rêve, même si les débuts ne sont pas toujours simples. « Je ne comprenais rien car je ne parlais que le japonais. Et j’avais un peu de mal à accepter ma taille : j’étais le plus petit de la classe. » Au programme : la base de la danse classique, technique Vaganova. « Après chaque cours, j’avais mal à tous les muscles. » Mais c’est ce qui le rend fort. Il apprend aussi la danse contemporaine.

Le charisme d’un grand danseur

En 2017, Riku Ota signe son premier contrat au Ballet de l’Opéra national du Rhin. « Au début, tout le monde me disait que j’étais trop académique, trop carré. On me disait : “Dansez plus ! Dansez plus !” » Il y passe deux très bonnes années. Mais ce qui l’attire, c’est le classique. Même s’il apprécie aussi le contemporain dans lequel il n’excelle pas moins.

En 2019, il intègre le Ballet national de Bordeaux, compagnie parfaite pour lui car « c’est 50/50 ». Ici, on ne lui reproche pas d’être trop académique. Sur scène, il possède déjà le charisme d’un grand danseur. Las, en mars 2020, le Covid met la vie sur pause. « Je n’imagine pas ce qui se serait passé si j’avais été encore au Ballet du Rhin. J’aurais peut-être arrêté la danse et serais rentré au Japon. Or, j’étais à Bordeaux, je venais de changer de vie. C’était dur, mais j’étais motivé parce que je voulais danser du classique et j’étais au bon endroit. Je m’entraînais tous les jours à la maison. »

Son ascension est très rapide, conforme à son talent et, surtout, à la marge de progression qu’il possède. En octobre 2020, Riku Ota est promu premier danseur, le grade juste en dessous de celui d’étoile. Une succession de blessures auraient pu avoir raison de lui. Mais son entourage proche, sa compagne, et son kiné « qui ne lui laisse pas le choix de rester à la maison » se rappelle-t-il dans un timide sourire, l’aident à surmonter ces moments difficiles où il est contraint de s’arrêter en pleine ascension.

Opéra de Bordeaux : nommé étoile en 2023 !

En 2023, il est nommé étoile. Il ne s’y attendait pas. Et pour cause ! « C’était pendant la réunion de l’annonce de la saison suivante alors que toute la compagnie écoute, assise par terre. Au début, j’ai pensé que c’était peut-être un peu tôt pour moi. Je ne sais pas si j’étais prêt à assumer cette pression et cette responsabilité. » Dans le même temps, on apprend l’arrivée de l’étoile Mathilde Froustey qui sera sa partenaire attitrée.

Sa nomination anticipée est partagée avec le public en juillet lors de la première de Don Quichotte, son ballet préféré. Sa danse est élégance, son Basilio est interprété finement, avec une efficacité pas moins grande que celle des danseurs qui jouent à fond sur la testostérone. Quelle prestance ! Il a pris en assurance tout en restant humble. Pas du genre à étaler sa vie.

Sa motivation ? « J’ai eu le titre d’étoile à 24 ans. Je n’avais pas vraiment beaucoup dansé de ballets classiques. Pour le moment, à chaque fois, c’est une première pour moi. Mais j’aime bien aussi reprendre un même rôle parce qu’un danseur n’est jamais complètement satisfait de lui-même. Il y a toujours de petites corrections à apporter qui font que cela pourrait être encore mieux. »

Sandrine Chatelier

Informations pratiques

Casse-Noisette,
d’après Casse-Noisette et le Roi des Souris d’E.T.A. Hoffmann,
Piotr Ilitch Tchaïkovski, musique, Kaloyan Boyadjiev, chorégraphie et dramaturgie,
Ballet de l’Opéra national de Bordeaux,
Orchestre national de Bordeaux Aquitaine, sous la direction de Robertas Šervenikas,

Du jeudi 5 au mardi 31 décembre, 20h, sauf les 8/12 et 29/12, 15h,
Représentations « Familles-version courte », les 23/12 et 28/12, 15h,
Relâche les 7/12, 14/12, 15/12, 21/12, 24/12, 25/12,
Grand-Théâtre, Bordeaux (33).

Riku Ota devrait danser les 5/12, 9/12, 16/12, 19/12, 27/12 et 31/12 (dates susceptibles d’être modifiées)
Jeudi 5 décembre, 18 h 30 : rencontre avec l’équipe artistique, salon Boireau, Grand-Théâtre, Bordeaux (33).