Artistes et photographes, Éric Tabuchi et Nelly Monnier réalisent depuis 6 ans un inventaire des régions françaises, à contre-courant de l’architecture savante et des images touristiques. À découvrir au centre d’architecture arc en rêve à Bordeaux.  

Comment est né ce projet ?

On s’est lancés nous-mêmes, en autofinancement et sans commanditaires. Ce qui nous anime, c’est la passion de la description et l’exploration d’une France qui n’est pas celle des guides touristiques ! Nous voulons montrer d’autres types de constructions, du vernaculaire, des granges, des pavillons, des zones commerciales… Tout ce qui n’est pas vraiment regardé et qui selon nous disparaît.

À propos du pavillonnaire ou des zones commerciales, on entend souvent parler de « la France moche » ? Qu’en pensez-vous ?

Nous sommes à l’opposé de cette vision qui nous semble arbitraire. Pour autant, nos photographies ne montrent pas une architecture savante mais plutôt une architecture du bricolage, celle de l’auto-construction, souvent modeste, ingénieuse, presque comme de l’art brut…

Quelle est la méthode de cet inventaire photographique ?

Nous avons choisi le découpage des « régions naturelles », de petites entités géographiques qui existaient avant la Révolution française. Notre conviction est qu’un territoire se déploie davantage par dégradés que par ruptures ou par des frontières administratives. Ces anciens découpages découlaient aussi des matériaux et des cultures locales… Et nous travaillons au gré de nos déplacements, c’est souvent très empirique !

Vous êtes-vous donné une limite ?

Nous avons prévu de réaliser 50 photos pour chacune de ces 450 régions naturelles. Actuellement, nous sommes à environ 15 000 photos et l’inventaire devrait se terminer vers 2030 ! Ce travail est visible sur le site archive-arn.fr qui recense les images avec des catégories par zones géographiques, typologies, saisons… Nous éditons aussi des livres et il y a les expositions comme celle d’arc en rêve. Nous avons conçu le dispositif scénographique ensemble mais il peut s’adapter à d’autres lieux.

Avant vous, il y a eu d’autres missions photographiques comme celle de la DATAR à laquelle participait Raymond Depardon, qui a également sillonné la France des régions…

Notre approche est assez différente puisque nous systématisons notre inventaire sur toute la France et sur un temps long… En ce sens, nous sommes plus proches plus du travail des Becher, ces photographes allemands qui ont inventorié le patrimoine industriel de leur pays.

Et le titre de l’exposition, d’où vient-il ?

C’est une phrase d’un morceau de Brian Eno que nous aimons beaucoup. Les paroles racontent comment le chanteur aide une personne enfermée dans ses pensées à découvrir le monde en lui laçant ses chaussures et en ouvrant la porte… C’est une belle allégorie de notre travail !

Propos recueillis par Benoît Hermet

Informations pratiques

« Je cours vers toi pour lacer tes chaussures », Éric Tabuchi et Nelly Monnier,
jusqu’au dimanche 24 mars 2024,
arc en rêve centre d’architecture, Bordeaux (33).

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *