Arpentant les polyphonies féminines ibériques avec le son, la voix et le corps, la Portugaise Luisa Saraiva travaille la matérialité de la musique comme personne avec Bocarra.
La première fois que le public bordelais a découvert son travail, c’était avec Hark !, en octobre 2022, à la Manufacture CDCN de Bordeaux. La chorégraphe et artiste portugaise Luísa Saraiva y explorait la musique baroque de Purcell en un jeu constant d’allers-retours entre le corps et le chant, déjouant les rôles et les places des danseuses, musiciens et spectateurs.
C’était l’année culturelle franco-portugaise, et ces échanges entre les deux pays mettaient en lumière le travail exigeant, au long cours, de cette artiste installée entre Porto et Berlin, dont toute la recherche s’attache aux relations entre mouvement, langage et son.
Posture de la « bouche ouverte »
Depuis, Luísa Saraiva est revenue plusieurs fois, notamment pour une résidence et une étape de travail de Bocarra à la chapelle Saint-Vincent de La Rochelle à l’automne 2023. C’est cette pièce que la Manufacture programme alors qu’elle aura été à peine créée une semaine plus tôt à Porto au festival international de danse DDD.
Bouche, voix, corps, objets, instruments entament un dialogue plastique, organique et relationnel dans cette « bouche ouverte » (bocarra en portugais) ; où l’on réalise qu’il n’existe pas de mot en français pour désigner cette posture. Aux côtés de Luisa Alfonso et Alexandre Achour, danseurs, accompagnée par les artistes sonores Inês Tartaruga Água et Francisco Antão, Luísa Saraiva a choisi le répertoire polyphonique de la péninsule ibérique comme support de création.
Trio de danseurs
Ces chants féminins de Galice et du nord du Portugal charrient leur lot de violence, d’amertume et d’étrangeté, tout autant qu’ils vibrent d’une force solidaire. Lancé sur ces airs traditionnels, le trio de danseurs place et déplace les corps, déjoue les attendus des rapports musique/danse, et invente un monde en soi, étrange, inédit.
Parfois un fil se tend entre les dents, comme une corde de contrebasse, des mains se couvrent de tubes blancs en silence, comme des ongles prolongés de bouches ouvertes, un tambourin s’approche au plus près d’une danse des coudes. Le chant se fait aventure articulaire, parcours des textures vocales, les instruments deviennent des prolongements organiques des corps, comme une extension élastique des territoires artistiques.
Stéphanie Pichon
Informations pratiques
Bocarra, chorégraphie et direction artistique Luísa Saraiva,
mercredi 22 mai, 19h30,
La Manufacture CDCN Bordeaux, Bordeaux (33).