Le centre d’art contemporain d’Eysines, en Gironde, accueille une vaste exposition consacrée à l’incontournable artiste basque Zigor. Peintures, dessins, sculptures, photographies et poésie témoignent de l’étendue d’une démarche tournée vers la nature et la spiritualité.

« Déplacez une petite pierre et vous verrez les larmes des arbres, la colère des nuages, l’affolement de la rivière et, avec les cris des bêtes, le changement du poids du monde. » Ce petit poème, écrit à la main, en chaperonne d’autres, eux aussi disséminés sur les murs du centre d’art contemporain d’Eysines.

S’invitant à proximité d’une œuvre ou au carrefour d’un ensemble dont elles déploient les dimensions sensibles, ces phrases témoignent d’une pratique que Kepa Akixo alias Zigor (le fouet, en langue basque) développe depuis plusieurs décennies.

Une perception profonde du monde

Publiés dès 1973, ses carnets de poésie annoncent un regard sur le monde qui va s’amplifier au gré d’autres médiums employés : la sculpture à partir de 1983, le dessin, la peinture ou encore la photographie, un outil que l’ancien reporter d’images (entre 1979 et 1983) pour de grands magazines et l’agence CAPA réactive en 2010. À quel dessein ? « Cela fait longtemps que le paysage qui m’entoure m’émeut et m’accompagne dans la perception profonde du monde. Quand je sculpte, peins, photographie ou écris, je ne fais qu’essayer de raconter ce sentiment. »

Un dessein unique donc mais aussi vertigineux que protéiforme. En témoigne la dense monographie que lui consacre actuellement le château Lescombes avec plus de 200 œuvres datées pour l’essentiel entre 2001 et 2023. Parmi elles, cette vingtaine de formats modestes, parfaitement disposés au mur par groupe de cinq. Des acryliques sur papier déclinant jusqu’à l’épuisement des arbres naissants (Presque un arbre).

« Je suis le fils d’une langue qui a fait un peuple »

Encore ces encres tracées comme des haïkus (Paysage). À l’étage, nichés dans une vitrine, des carnets leporellos côtoient de petites sculptures associant quelques morceaux polis d’une même essence de bois (platane, cyprès, chêne vert) à la manière d’élégants cairns (Poème).

Au rez-de-chaussée, se croisent d’autres ouvrages plus imposants combinant de gros galets blancs, lisses et arrondis, à des formes taillées dans le platane et/ou l’érable. Qu’elle soit picturale (huile, gouache, acrylique), graphique (encre de Chine, brou de noix, aquarelle, collage), sculpturale (bronze, acier, bois, minéral), figurative, abstraite ou à la croisée des représentations, son œuvre puise son inspiration dans le Pays basque.

La magnificence de cette terre s’embrasse dans ses photographies en noir et blanc révélant des étendues montagneuses, vastes et sombres, fendues par des rais de lumière quasi séraphique. « Je suis le fils d’une langue qui a fait un peuple, d’une langue qui en pensant le monde a sculpté le paysage », trouve-t-on griffonné ailleurs.

Anna Maisonneuve

Informations pratiques

« Les mystères de l’intention », Zigor,
jusqu’au samedi 30 décembre,
centre d’art contemporain, château Lescombes, Eysines (33).

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