L’Escale du livre revient pour une 21ème édition du vendredi 31 mars au dimanche 2 avril dans le quartier Sainte-Croix à Bordeaux. Trois jours denses en termes de créations et faisant la part belle au manga avec notamment la présence de Reno Lemaire, Romain Lemaire et VanRah.
Alors que plus de la moitié des bandes dessinées vendues aujourd’hui en France sont des mangas, l’Escale du livre convie pour son édition 2023 trois éminents ambassadeurs du manga à la française. Au côté de Reno Lemaire, pionnier du mouvement et père de la série à succès Dreamland, son cousin et ancien assistant Romain Lemaire, désormais auteur complet, ainsi que la papesse de la steam fantasy, VanRah feront le déplacement. Ateliers et conférences complètent ce programme aux allures de mini Japan Expo. Inutile de dire qu’à Bordeaux, les otaku sont au taquet.
Il fut un temps — pas si lointain — où les éditeurs de bande dessinée regardaient d’un œil torve et hautain l’arrivée de jeunes dessinateurs biberonnés à Albator, Cobra, Dragon Ball plutôt qu’à Tintin, Spirou ouaux Tuniques bleues. Au tout début des années 2000, le fan des Chevaliers du Zodiaque Patrick Sobral se voyait retoqué presque partout jusqu’à ce qu’un éditeur se décide, sans grande conviction, à publier le premier tome de la série Les Légendaires.
Reno Lemaire et son shōnen de terroir Dreamland
On connaît la suite, la saga connaîtra un succès progressif avant de se transformer en véritable phénomène éditorial, une belle histoire comme dans les meilleurs mangas nekketsu voyant le héros triompher finalement de toutes les épreuves. Devenue un classique de l’édition BD jeunesse, la série a surtout prouvé la viabilité d’un « manga à la française » (parfois appelé « manfra ») et constitué un appel d’air pour toute une nouvelle vague de créateurs au milieu des années 2000. Une nouvelle génération qui sera dignement représenté dans l’édition 2023 de l’Escale du livre.
Parmi eux, Reno Lemaire a pu rapidement tirer son épingle du jeu en créant un shōnen plus vrai que nature et en intégrant le catalogue d’un éditeur spécialisé dans la production japonaise, Pika. Non content d’emprunter les codes graphiques et narratifs les plus significatifs de la BD nippone, son projet au long cours, Dreamland, bénéficie de la forte pagination, du format et du découpage feuilletonnesque en chapitres de mangas ce qui permet à l’auteur de se fondre naturellement entre Great Teacher Onizuka et Love Hina ; deux titres phares de la maison à l’époque.
« Je vis, je mange et je chie Dreamland. »
Aventure épique pleine d’action, de romance et d’humour potache, sa série se distingue néanmoins de la production asiatique par un détail singulier : elle se déroule en grande partie, à Montpellier, où vit l’auteur ! Un cadre inattendu pour un shōnen de terroir autour d’un ado traumatisé par le feu depuis que sa mère est morte dans un incendie jusqu’à ce qu’il parvienne une nuit à dominer sa phobie, prélude à sa découverte du monde parallèle de Dreamland.
L’exploration de cet univers constitue le sel de cette saga que l’auteur développe dès lors de manière obsessionnelle. Dans une interview digne des imparables saillies du regretté Loulou Nicollin, l’auteur assume le côté viscéral de sa création : « Je vis, je mange et je chie Dreamland. » Une abnégation qui lui a permis de gagner une fan-base solide dès les débuts et de venir à bout des réticences des puristes ne jurant que par les productions des « vrais » mangaka japonais.
Romain Lemaire, au nom du cousin
Depuis, la série, forte de 21 tomes à ce jour, est devenue une petite franchise à elle toute seule avec des traductions à l’étranger, une ligne de produits dérivés et, consécration suprême, une adaptation prochaine en série animée prévue en 30 épisodes d’ici la fin d’année.
Reste que pour tenir le rythme de publication intense (l’auteur perfectionniste ayant même redessiné les trois premiers volumes au style hésitant et maladroit pour l’harmoniser avec le reste de sa série), Reno Lemaire a constitué comme ses confrères nippons un studio informel pour l’aider ; une initiative servant de tremplin à son cousin Romain, qui après s’être occupé des trames, des décors, puis de chapitres entiers, a pu développer son propre manga Everdark, une quête autour d’une sphère magique convoitée par une puissance hostile, qui compte déjà 6 tomes (Pika).
Rencontre avec la bête du Gévaudan revisitée par VanRah
Autre symbole de la vitalité renouvelée de la manga-culture, VanRah est une dessinatrice autodidacte, passée par le fanzinat, qui a fait le choix d’abandonner son métier d’ostéopathe pour devenir professionnelle. Un changement de carrière qui lui réussit puisque l’artiste a été rapidement repérée par le magazine référence Shōnen Jump+ comme « l’un des dix plus grands espoirs internationaux du médium ».
Sa série emblématique Stray Dog (Glénat), qui s’inspire librement du mythe de la bête du Gévaudan, s’inscrit dans un décorum de steam fantasy, un sous-genre de l’imaginaire mêlant rétrofuturisme vernien et magie. Comme ses confrères, elle sera présente pour des dédicaces et fera l’objet d’une rencontre et d’une masterclass sur l’art de créer son manga (sur réservation). Cerise sur le cerisier en fleur, s’ajouteront une conférence sur l’histoire du manga et un quiz. À quand des partiels sur Dragon Ball ?
Les rendez-vous à ne pas rater
• « L’histoire du manga : du Japon à la France ». Des origines du manga dans la presse à son arrivée en France grâce aux animes, la conférence retrace les grandes lignes de l’évolution du genre. Vendredi 31 mars, Brasserie du port, 17h.
• Quiz manga, avec Manga Kat. Avec ce quiz, l’équipe de Manga Kat va tester et provoquer les lecteurs de mangas : avalanches de questions, défis, surprises… un challenge doté de cadeaux. Vendredi 31 mars, Brasserie du port, 18h30.
• Initiation au manga : scénario, personnages… Les bases pour créer son propre univers. Avec l’autrice VanRah, scénario, création de personnages, mise en page. Samedi 1er avril, IUT, 16h.
• Atelier manga, du scénario à la planche : avec Nicolas Sarrade, illustrateur, initiation à la création d’une planche à la façon d’un studio de production de mangaka. Dimanche 2 avril, La Scène, Librairie Vitez, 14h.
Nicolas “Batou” Trespallé
Information pratiques
L’Escale du livre 2023,
du vendredi 31 mars au dimanche 2 avril, Bordeaux (33)
Plus d’informations et programme en ligne ICI