Après le Logis de la Cadène, à Saint-Émilion, puis Le Gabriel, à Bordeaux, le jeune chef angevin a ouvert son propre établissement, Amicis, avec son ami et associé Damien Amilien, chef pâtissier. Deuxième épisode de notre série, Ces restaurants bordelais loin de la foule déchaînée

On pourrait évoquer la croisée des chemins, la belle opportunité, le coup que l’on tente. Balayons ces clichés. À 36 ans, Alexandre Baumard déroule non seulement un sacré CV — formé, notamment, par Benoît Vidal, Paul Bocuse, Christophe Bacquié, Laurent Suaudeau ; d’autres questions ? —, mais également force distinctions : une étoile au Michelin au Logis de la Cadène, à Saint-Émilion, en 2017, puis à L’Observatoire, au restaurant Le Gabriel, à Bordeaux, en 2021 ; deux tables appartenant à la famille de Boüard de Laforest (Château Angelus).

Après une décennie de bons et loyaux services, le natif des bords de Loire se sent « tellement heureux d’être chez lui ». On ose, du bout des lèvres, évoquer la pression à investir dans un tel établissement, orné d’une façade baroque du XVIIe siècle. « Celle des banques, oui. Je cherchais entre le bassin d’Arcachon et l’hypercentre de Bordeaux. Mes plus fidèles clients ont fait pencher en faveur des Grands-Hommes. » Sans plan de bataille, ni de modèle en tête, ce « Grand de Demain », selon le Gault & Millau en 2021, a repris l’adresse qui abritait A Cantina Mare pour y bâtir un écrin à la mesure de ses envies.

« Je veux un lieu de vie où l’on revient, avec plein d’habitués »

Résultat, un restaurant aussi sobre qu’élégant, respirant du rez-de-chaussée à l’étage, jouant des matières, de la lumière et des ambiances, du comptoir sur rue, au bar en apesanteur, de la banquette chocolat aux tables pour 2, 4 ou 6 commensaux. En latin, Amicis signifie « amis ». Et, ici, l’amitié agit comme une vertu cardinale dans cette aventure. Celle portée à Damien Amilien, meilleur pâtissier du Sud-Ouest 2023 pour Gault & Millau, comme au sommelier Julien Tabbacchiera. Mais également, celle, a priori indicible flottant en salle en plein service. « Je veux un lieu de vie où l’on revient, avec plein d’habitués. » Un idéal de cantine de quartier qui ne déplaît nullement au maître des lieux.

Au rez-de-chaussée, la Table des Amis lorgne vers le bistronomique avec un menu du marché le midi et des plats à la carte le soir. À l’étage, la Table Amicis, avec vue sur une cuisine ouverte (via un surprenant mur bibliothèque), propose un menu unique en 7 escales (115€). Le tout avec une micro-brigade de 6 personnes et une escouade féminine de choc, aux petits soins, si chic jusqu’au foulard.

Sa réputation l’aurait-elle à ce point précédé ? Loisible de le penser au regard de l’affluence en ce mardi qui sent les vacances d’été.

L’amour du poisson

Alors ce menu du marché, décliné en entrée/plat/dessert (32€) ou entrée/plat plat/dessert (26€), et qui change chaque mercredi ? Le choix fut délicat. Évidemment… Terrine de poissons, crème acidulée, consommé de langoustines ; tarte tomates confites, burrata, basilic ; quinoa, tourteau, petits pois. Pêche du jour, fèves et haricots, sauce végétale ; canard, pommes de terre, réduction balsamique ; risotto, légumes, parmesan. Tarte citron meringuée ; tarte aux fraises et réglisse ; choux pistache et framboise. Seule certitude, on reconnaît la patte de cet amoureux du poisson, « on peut le travailler de mille façons ». Ensuite, prendre ses responsabilités.

Commençant par une belle tomate (pochée ?), tiède en son centre, sur un lit croustillant, encerclée d’une burrata vaporeuse (magnifiée au syphon ?), rehaussée de ciboulette et de jus exquis, la suite ne pouvait décevoir. L’aiglefin fondant au-delà de l’indécence le disputait aux croquants légumes verts, onctueusement revenus dans une sauce généreusement montée au beurre. Le pain, excellent, n’y a survécu. La tarte citron se distinguait par sa très généreuse meringue italienne tandis que sa rivale déroulait sablé breton, réglisse subtile et fruits charnus. Quelle conclusion !

« Une cuisine sans sauce n’est pas une cuisine »

Dans le gosier, Château Carsin, sauvignon gris 2021, de Rions, pour une agréable mise en bouche. Et deux coups de cœur : Le Palais d’Or 2022 du Château de Bouillerot, stupéfiant liquoreux en Côtes de Bordeaux Saint-Macaire et le Rosé majeur de la maison de champagne Ayala, fruit d’un assemblage de 24 crus d’exception.

Le vin, d’ailleurs, n’est pas envisagé à la légère — 600 références à la carte — car le chef est non seulement un œnophile convaincu, respectueux du terroir qui l’a vu s’épanouir (Saint-Émilion et Pomerol à la fête), mais aussi un ambassadeur engagé rappelant cette belle évidence : le touriste de passage à Bordeaux ne vient pas déguster du mâcon… In fine, Amicis caresserait-il l’ambition d’être aussi incontournable en la matière que l’Univerre ? La réponse est dans la question.

Quant à la course à l’étoile, « seuls les clients m’en parlent, si elle tombe tant mieux, mais je refuse de changer de formule en son nom car c’est contre-productif ». Une sagesse de bon aloi. Puis, l’on repart moins sot, ayant retenu une maxime de Paul Bocuse : « une cuisine sans sauce n’est pas une cuisine ».

Marc A. Bertin

Informations pratiques

Amicis
19, rue Mably, 33000 Bordeaux
Du lundi au vendredi, 12h-14h et 19h30-21h30.
Réservations 05 56 52 80 41

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