De retour chez Mets Mots à Bordeaux, l’une des perles locales depuis déjà six ans, où le chef Léo Forget opère le soir une époustouflante révolution de palais quand vient l’heure de dîner.

En 2017, après un septennat au service de son mentor Pierre Gagnaire, le Lyonnais, aussi humble que virtuose, arrivait au pays de Montaigne et Dugarry pour y ouvrir Mets Mots, aidé notamment par la Dotation Jeunes Talents Gault&Millau, et mû par l’envie de son épouse de se rapprocher de ses racines périgordines. Une aventure conviant également son ami de toujours Romain Grenet.

La table, sise à l’emplacement du Bistrot de l’imprimerie, dans le doux quartier de Fondaudège, peut s’enorgueillir du titre de « Restaurant écoresponsable », doublement toqué, et labellisé « Éco-Défis » par Bordeaux Métropole. Nobles distinctions ne devant nullement faire oublier l’essentiel : Mets Mots figure ni plus ni moins parmi les meilleures brasseries du genre et ce depuis 2018.

La mue « bar à vins »

Toutefois, la restauration post-pandémie traverse un profond questionnement auquel Léo Forget n’échappe pas. « Il y avait l’envie de restructurer les conditions de travail en cuisine. Et le besoin de concilier mon métier et ma vie de famille avec deux jeunes enfants. Désormais, nous avons une équipe le matin, une seconde le soir. Je peux plus facilement déléguer. » Pour le fidèle Romain Grenet, « au bout de 5 ans de gastronomie, nous avons ressenti une forme d’essoufflement de la clientèle du soir. D’où cet esprit “bar à vins”, plus souple, plus convivial, plus partageur ».

La mue, opérée au printemps, s’avère un succès. « Le changement de clientèle a été immédiat et je suis ravi de ce renouvellement. Nous sommes entourés de petits hôtels, de chambres d’hôtes, et nous en profitons, loin de l’effervescence de l’hypercentre », reconnaît le chef. Atout non négligeable, après une longue attente, Mets Mots dispose enfin d’une terrasse.

Envies méditerranéennes et valeurs hexagonales

Profitant de la douceur estivale, assis dans l’arrière-salle, sous la verrière qui offrait une fraîcheur bienvenue, force était de constater l’effet tour de Babel au milieu de commensaux néerlandais, italiens, espagnols et nord-américains. Comme quoi la mention « bar à vins » dans un moteur de recherche guide au meilleur.

Oui, le meilleur, et pas un attrape-couillons avec charcuterie de piètre qualité et fromages en fin de vie disposés sur d’infâmes ardoises. Ici, on se respecte, on respecte le produit et le client. La carte, qui change toutes les 6 semaines, décline envies méditerranéennes et valeurs hexagonales, n’oublie pas les options végétariennes, et suscite plus que de la convoitise… Alors autant céder à la tentation.

Révélation, valeur sûre et addiction

Œufs mimosa (6€) généreux, noyés sous une avalanche de mimolette râpée, autant dire qu’une demi-douzaine y passerait sans autre forme de procès. D’inspiration brésilienne, les croquettes de tapioca, tomme de brebis et citron vert (8€) ont dissipé toute crainte. Croquante texture, à l’intérieur comme à l’extérieur, délicieux goût de fromage, et cette pointe d’agrume absolument imparable. Une révélation.

Que dire de ce tzatziki de concombre et lieu jaune au sel (14€) ? On reconsidère le classique grec souvent maltraité. Merci au pourpier, à la grenade et à cette cuisson exquise du poisson. Indéniablement, le veau vitello tonnato — ici avec parmesan et câpres frites (15 €) — est une valeur sûre, plus gourmande encore que le carpaccio de bœuf. Le secret ? Offrir un nouveau visage au condiment, soit dessaler puis sécher les câpres, les fariner et les poêler. Adieu l’amertume et bonjour l’inédite saveur. Le croque-monsieur pastrami et comté (12€), lui, flirte avec une potentielle addiction qui ne dit pas son nom mais n’en pense pas moins.

Eau d’agrumes et flegme andin

Le chemin de l’excellence arrivant à son terme, la halte du dessert a provoqué moult atermoiements. Cake citron, eau d’agrumes au limoncello (7€) ? Sablé au sarrasin, diplomate à la lavande, salade de fruits rouges et caramel (7€) ? Subitement, on comprend les souffrances de Tantale. Toutefois, un chef qui « a toujours aimé la pâtisserie » peut-il être un mauvais chef ? Non. Trois fois non. Le cake moelleux, avec ses grains de pavot, nappé d’une gelée de citrons et de citrons confits et de fins copeaux de crêpe dentelle nous narguait dans son eau d’agrumes au limoncello. La vérité, on s’y noierait volontiers. Le sablé au sarrasin, enrobé de caramel, dissimulait fruits rouges en salade et le clou du spectacle, un diplomate à la lavande à se damner.

La carte des vins, 122 références, sérieuse, musarde dans toutes les appellations. Certainement sous l’influence de Cyriaque, sommelier modeste et passionné, loin des faquins au verbe amphigourique, qui, en outre, veille scrupuleusement aux cocktails. Chaudes recommandations : le Negroni (gin Saplo, bitter Dolin, vermouth Dolin) (7€) et Pisco Sour de l’Impératrice (Cuatro Gallos Quebranta Pisco, citron vert et jaune, blanc d’œuf) (11€). Le premier d’une parfaite balance, le second digne du flegme andin. Mets Mots, aussi bon que beau.

Marc A. Bertin

Informations pratiques

Restaurant Mets Mots

98, rue Fondaudège, 33000 Bordeaux.
Du lundi au vendredi, 12h-13h30.
Du mardi au samedi, 18h-1h (fermeture de la cuisine à 22h30).
Réservations 05 57 83 38 24

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