En lien avec les problématiques immobilières d’un Pays basque sous tension, la scène nationale du Sud-Aquitain a choisi d’entamer une réflexion autour de la notion d’habiter un territoire pour la saison qui s’ouvre. Un choix que défend Damien Godet, directeur d’un établissement qui s’ancre dans un large territoire sans avoir de vrai chez soi.
La programmation de la saison 2023-2024 a été annoncée avec une réflexion globale autour du verbe « habiter », pourquoi ce choix ?
Il s’est imposé presque naturellement à nous en raison des problématiques qui sont à l’œuvre au Pays basque avec une grande tension immobilière, de nouveaux afflux de population et la spéculation immobilière qui l’accompagne. Il y aussi sans doute un grand mécontentement pour une partie de la population qui ne peut pas accéder au logement sur son propre territoire.
Un discours qui s’apparente à une politique publique d’aménagement du territoire. En quoi concerne-t-il aussi la Scène nationale et sa programmation ?
Nous nous sommes rendu compte que nous avions peut-être une responsabilité dans cette réflexion, avec des propositions artistiques qui peuvent apporter un éclairage différent, singulier. Nous voulons creuser la relation d’un habitant avec son territoire.
C’est un champ d’investigation suffisamment large pour que bon nombre de propositions artistiques y trouvent leur place. Il y aura des spectacles tout au long de la saison mais aussi des projets forts. Comme le Safari intime dans le quartier Saint-Esprit de Bayonne de la compagnie Opéra Pagaï.
Nous avons le souci d’avoir un lien entre la proposition artistique, les habitants qui viennent et le territoire dans lequel ça se joue. En fin de saison, nous accueillerons La Cabane à Plume(s) de la compagnie l’Homme debout. L’histoire d’une fillette qui se voit déposséder de sa cabane et que les spectateurs sont invités à venir protéger. Une thématique qui résonne pour nous, elle sera d’ailleurs présente dans les prochaines saisons. L’année prochaine, l’environnement, notre rapport à la nature seront au centre de la programmation.
Cette réflexion touche aussi la Scène nationale du Sud-Aquitain qui a plusieurs lieux de spectacle sur un large territoire et qui continue de s’étendre…
Oui, c’est très lié à notre particularité d’être une Scène nationale itinérante sur quatre communes avec un renforcement de ce positionnement par la création de la salle Tanka à Saint-Jean-de-Luz. Nous essayons aussi de trouver le moyen d’aller questionner le rapport entre les artistes, les habitants et le territoire.
Il va y avoir des résidences de territoire prévues sur le temps long au contact des populations. Nous-mêmes, nous sommes à la recherche de notre cabane. Aujourd’hui, nous sommes hébergés par la Ville de Bayonne dans des locaux à côté du théâtre municipal. Ils sont un peu exigus et la Ville va en avoir besoin pour ses services…
Il nous manque notre centre de gravité. Nous travaillons pour en trouver un avec la communauté d’agglomération du Pays basque et la Ville de Bayonne avec notamment la transformation du quartier rive droite de l’Adour.
Habiter son territoire, c’est aussi donner à voir les productions locales, comment cette dimension a-t-elle été prise en compte dans la programmation de la nouvelle saison ?
Nous supportons sur le long terme des compagnies du territoire, nous sommes peu nombreux en structures à pouvoir accompagner les productions. Suivant les saisons, il y a une présence plus ou moins importante en fonction du rythme de création.
Cette année contient relativement peu de projets dans la programmation. Malgré tout, il y a de belles propositions. L’ensemble 0 qui présentera sa nouvelle création fait partie de nos artistes compagnons. De même que le collectif Bilaka que nous accueillerons avec des actions culturelles et l’animation d’un bal aux côtés de chanteurs occitans. Et nous sommes déjà dans l’accompagnement des futures productions qui naîtront l’année suivante.
Après plus de quatre ans à la tête de la Scène nationale du Sud-Aquitain, pouvez-vous apporter un regard sur les projets que vous avez portés, notamment avec le travail autour des langues ?
C’est un travail que l’on poursuit. Sur la saison qui arrive, il y aura une forte présence de la langue espagnole et catalane. La saison prochaine, on se tournera sûrement du côté du créole. Ce qui commence à émerger, c’est que nous sommes assez tournés vers les langues minorisées.
Ce sujet est très présent ici avec la langue basque que nous mettons en avant de façon constante. Nous avons un lien peut-être plus fort avec des langues dont il faut pouvoir affirmer le caractère singulier et la richesse. Nous continuons à faire résonner des spectacles internationaux, il y en a entre 10 et 15 chaque année à l’affiche.
Avez-vous un spectacle en particulier que vous avez envie de voir ?
Question piège… Un des spectacles qui aiguise le plus ma curiosité et qui est encore en création, c’est le Péplum médiéval de Valérian Guillaume et Olivier Martin-Salvan. Une grande forme qui va être assez surprenante avec sa troupe de comédiens professionnels et des artistes en situation de handicap pour une rencontre différente. Je pense que ça va être haut en couleur.
Propos recueillis par Guillaume Fournier