À l’invitation du château d’Oiron, Guillaume Chiron, le collagiste surdoué, s’amuse des anamorphoses et autres jeux visuels présents dans la collection permanente du musée. « Un air de famille » nouveau projet fou, conçu à l’origine dans le cadre de l’exposition collective « Même pas mort », proposée par Les Requins Marteaux en 2021, se joue de l’illusion et du portrait dans un espace entièrement scénographié évoquant la grotte comme matrice de toute création.
Le portrait est en soi un genre incontournable dans l’histoire de la peinture puis de la photographie. Comment relève-t-on ce défi en qualité de maître du collage facétieux ?
Je ne l’ai pas pris comme un défi, mais plutôt comme un point d’entrée pour imaginer cette exposition au château d’Oiron. Les lieux chargés d’histoire comme celui-ci restent des espaces privilégiés pour la figure du portrait puisqu’il renvoie au symbole de pouvoir.
Avec Anthony Bonnin, avec qui je réalise des sculptures et les scénographies de mes expositions, nous trouvions intéressant de réunir des pièces déjà existantes et d’en imaginer de nouvelles. Le point de départ était aussi un de mes tableaux, Même pas mort, une œuvre en anamorphose, une vanité librement inspirée d’un tableau d’Hans Holbein le Jeune, Les Ambassadeurs. Le défi pour cette pièce était de passer d’un collage papier 2D à une installation de très grande ampleur.
Exposer dans le cadre prestigieux et hautement patrimonial du château d’Oiron induit-il une pression particulière ?
Exposer dans ce lieu que je connais et fréquente depuis de nombreuses années est un honneur. Ce n’est pas rien de présenter son travail à côté d’artistes prestigieux comme Sol LeWitt, Christian Boltanski, Raoul Marek ou encore Wim Delvoye. Voilà un an que je prépare le projet pour ce lieu.
Pour les 180 m2 que le château me propose, j’ai donc imaginé avec Anthony une exposition qui entre en résonance avec le lieu et mêle accrochage classique de tableaux, installations et scénographie parfois immersive.
En ce début de décennie, vous connaissez une période créative fort prolifique, on se souvient des expositions « Trompe le monde », « Peintures fraîches » ou « L’Homme qui rétrécit » pour ne citer qu’elles. Quelle est donc l’origine de cette fringale ?
Cette fringale de projets ne m’a jamais quitté, depuis l’enfance sans doute, à travers la bande dessinée. J’ai ensuite fait beaucoup de musique et de visuels pour mon groupe de rock Microfilm, tout en organisant quantité de projets excitants avec le Confort Moderne.
Aujourd’hui, je canalise cette énergie créatrice dans des livres et des expositions. J’aime l’idée de pouvoir m’exprimer et de me donner les moyens de réaliser ce qui m’anime. Si j’ai eu la chance d’exposer à la galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois, en 2023, aux côtés de William Wegman, Martin Parr ou encore Julien Berthier, ma dernière exposition personnelle remonte à 2022. J’ai parfois l’impression que le temps s’étire entre deux expositions et que je pourrais en faire bien davantage.
Homme des paris insensés, votre dernier tour de force pour « Un air de famille » n’est ni plus ni moins que la reconstitution d’une grotte… À quoi faut-il s’attendre : un Chauvet en papier mâché ? Altamira en balsa ? Lascaux en chamallow ? De l’art pariétal tout sauf banal ?
Un couloir secret nous conduit jusqu’à un vaste espace noir qui n’est autre que celui d’une cavité rocheuse, celle de La Grotte qui permet une illusion pour le tableau Même pas mort situé à l’extérieur. Au cœur de cette œuvre, on découvre une technique sculpturale qui rappelle celle du collage de mes travaux papier. Comme au théâtre ou au cinéma, les formes et les reliefs sont faussement reconstitués par la juxtaposition et l’enchevêtrement de plans multiples.
Mais, au-delà de l’œuvre immersive, La Grotte est aussi et surtout un élément central dans la scénographie. Il s’agit de jouer sur quelques codes de l’art contemporain, la black box et le white cube, mais aussi de donner à découvrir de l’inattendu et de nouveaux points au spectateur, dans un décor dont il devient lui-même le sujet.
Et cette cheminée en « très grande suspension », comment va-t-on faire pour mettre des bûches dans l’âtre ?
Il y a beaucoup de cheminées au château d’Oiron et nous trouvions plutôt cocasse d’en équiper également les combles mais d’un modèle beaucoup moins noble, un de ceux qu’on on a pu connaître chez nos parents respectifs. Pendant une résidence aux Usines de Ligugé, on s’est amusé à chiner des cheminées sur Leboncoin® pour construire cette installation.
Elle s’appelle Philippe, en hommage au célèbre fabricant et reprend un élément du collage Les Feux intérieurs. Dans ce collage, on peut voir quelques notables tourner en ridicule par l’intermédiaire de cheminées collées sur leurs bouches. Dans cette version le portrait devient démesuré, façon culte de la personnalité, car mis à l’échelle de cette cheminée typique. Qui sait si on pourra un jour se chauffer avec ?
Le corpus présenté est-il composé uniquement de nouvelles pièces ?
L’exposition est composée d’un mélange de nouvelles et anciennes pièces. C’est réjouissant de se dire qu’on peut continuer à présenter des travaux réalisés il y a quelques années et de voir qu’ils ont toujours leur place.
Propos recueillis par Marc A. Bertin
Informations pratiques
« Un air de famille », Guillaume Chiron,
du samedi 19 octobre au mardi 31 décembre,
château d’Oiron, Oiron, Plaine-et-Vallées (79).