Ils se sont rencontrés autour de quelques quilles sans soufre, sans intrant et ont estimé rapidement qu’il y avait la place à Bordeaux pour un salon du vin nature, digne de ce nom. Chais Alriq était né et comble désormais une place laissée vacante depuis Sous Les Pavés La Vigne. Laurène Amiet et Guillaume de Mecquenem, beaux et aimables drilles à la tête de L’Appétit du vinet cocréateurs de l’événement, reviennent pour cette rencontre de vins au naturel sur la notion même de vin nature et le sens de cette fête des papilles.
Un salon du vin, pour quoi faire ?
Laurène Amiet : Il s’agit avant tout d’une fête pour rassembler les Bordelais dans un lieu qui est une institution locale, en bord de Garonne, et parle à beaucoup de gens… ça et le vin, c’était assurément une combinaison gagnante !
J’ajoute que c’est un salon du vin nature, or il n’y en a pas à Bordeaux ! Il me semblait qu’il y avait la place pour un salon fait par des gens du cru ! Un ancrage local qui a certainement fait défaut aux salons précédents. J’ajoute, et c’est important, que ce salon ne concerne pas les seuls vignerons que nous distribuons, c’est ouvert à notre réseau, aux vignerons suivis par Alriq et par Laurent Bordes du Chai du Port de la Lune.
Guillaume de Mecquenem : Cela fait un moment que Laurène fait des salons pro pour les vignerons qu’elle suit. L’Appétit du vin a connu trois éditions pro jusqu’à ce qu’on se mette à travailler avec Alriq. C’est à ce moment-là qu’on a échafaudé ce projet avec Laurent du Chai du Port de la Lune, Alriq et Céline Burgué.
Ça s’est fait naturellement entre amateurs convaincus de vin nature. Nous participons à de nombreux salons en France et pensions qu’il y avait un vrai manque à Bordeaux. C’est aussi l’écart qu’il peut y avoir entre les autres salons plus conventionnels ou attendus et les salons que nous aimons et pratiquons qui nous a donné envie de créer cet événement. On partage ça avec Alriq qui selon nous résonne bien avec le goût des vins qu’on y trouve, avec l’esprit des salons du vin nature qu’on trouve en France. C’était l’endroit idéal pour un festival qui n’accueillera pas que du vin.
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Accueillez-vous des vignerons en biodynamie, en bio ?
L.A. : Ils seront nature et pas forcément labellisés. Nous les connaissons et les suivons depuis un bout de temps. Je précise que lesdits « nature » sont aussi souvent labellisés en bio ou en biodynamie.
C’est quoi le vin nature2 ?
L.A. : Par provocation, je dirais que c’est du jus de raisin avec un peu ou pas de sulfite. Le juge de paix reste que nous connaissons et goûtons régulièrement les productions des 23 vignerons présents les 5 et le 6 novembre.
G. de M. : Pour revenir sur la définition du vin nature, je dirais que ce sont des vins qui vont à l’encontre de la méthode industrielle, qui sont élaborés de manière artisanale avec souvent une plus grande palette d’arômes, de goûts et qui, in fine, laissent beaucoup plus de place aux vignerons, à la relation avec ces mêmes faiseurs.
Y avait-il une difficulté supplémentaire à créer ce salon à Bordeaux ?
L.A. : Oui et c’est pour cette raison qu’il nous a semblé important de mettre l’accent sur les vignerons du Sud-Ouest. Il y en aura plus que pour l’édition précédente. Il fallait dire, en creux, qu’à Bordeaux on sait bien travailler, qu’on fait bien aussi !
G. de M. : Si ce salon ne trouvait pas sa place à Bordeaux, c’est qu’il y avait une certaine inertie voire une résistance. Un côté conservateur. L’idée, c’était aussi de faire la promotion de vins artisanaux avec des goûts qui leur sont propres, qui représentent un terroir ou un cépage et qui cassent un peu avec les goûts traditionnels instaurés dans les années 1980.
L.A. : L’engouement pour ce type de vins est bien réel à Bordeaux ! Nous avons fait plus de 1 000 entrées en 2022, ce qui pour une première était une vraie réussite.
Un salon pour secouer le cocotier ?
G. de M. : Je suis bien conscient que l’existence même de vins nature ne peut que pousser à des réactions conservatrices à Bordeaux qui se cache derrière un savoir-faire et un prestige indéniable pour ne pas remettre en question les goûts traditionnels.
La très grande maîtrise de Bordeaux masque volontairement certains goûts, en décrétant, avec les ODG, ce que devrait être le goût du vin à Bordeaux.
On finit ainsi par toujours faire la même chose. C’est ça que nous aimerions interroger et parfois remettre en question dans une région viticole qui en a certainement aujourd’hui plus besoin que d’autres. Ce salon peut et doit être l’occasion d’un débat Bordeaux versus vin nature. J’en attends aussi un moment de démocratisation du vin nature !
C’est Alriq qui donne cette dimension grand public au salon qui dans un premier temps était tourné vers les professionnels et qui permet d’approcher d’autres publics parfois plus rétifs, moins enclins à ce type d’expérience gustative !
C’est aussi remettre le goût au centre de la consommation du vin, sensibiliser à la dégustation. Je serais ravi, pour ne rien vous cacher, si des institutionnels et d’autres vignerons du vignoble bordelais venaient à notre rencontre dans la mesure où ces vins peuvent représenter une option de sortie de crise, donner quelques solutions à une filière en difficulté !
L.A. : On espère, je me répète, faire de cette deuxième édition, un moment de fête qui s’inscrira dans le dernier week-end des vacances !
Les vins nature ont-ils des défauts ?
G. de M. : Il peut y en avoir, mais ça fait partie du jeu. Effectivement, parfois, il y a moins de maîtrise.
L.A. : Je fais ici le lien avec le fait qu’on accepte bien les personnes avec des défauts et qu’on peut même les aimer souvent !
Qui allons-nous y croiser ?
L.A. : Le dimanche, qui était comme cette année ouvert au grand public, on a vu des parents avec enfants. Il faut dire que le lieu s’y prête, pas mal d’entre eux ont voulu profiter du cadre de la guinguette pour acheter une bouteille et aller s’y restaurer.
Le lundi reste en principe réservé aux professionnels. Cette année nous avons souhaité augmenter l’amplitude horaire avec un temps d’apéro entre 18h et 20h, histoire de profiter du cadre avec un DJ set !
G. de M. : C’est un lieu pour transformer l’idée qu’on peut se faire d’un salon institutionnel. D’ailleurs, nous avons souhaité convier des traiteurs d’ici : Graines Fertiles, qui ne travaille qu’avec des produits locaux, et Marie Curry, membre d’un réseau d’économie sociale et solidaire valorisant les matrimoines culinaires de femmes issues de l’immigration.
Deux raisons d’y aller, deux coups de projecteur ?
L.A. : Anne Buiatti, de La Maison Advinam, une ingénieure et œnologue qui casse les codes bordelais ! Elle assemble des cépages bordelais avec des cépages méditerranéens, des cépages blancs et des cépages rouges. Elle effectue un vrai travail sur le goût des vins et sa gamme s’en ressent dans la mesure où elle a quatre références et quatre styles de vins différents en fonction des élevages et des assemblages.
G. de M. : Christophe Pueyo qui nous fait redécouvrir les vins blancs de Bordeaux. Il élabore en particulier des sémillons avec une certaine fraîcheur et de la tension. On n’oubliera pas sa cuvée Galipette, pétillant naturel qui remet des vins de Bordeaux à l’apéro et rappelle que c’est avant tout un vin.
Propos recueillis par Henry Clemens
Informations pratiques
Chais Alriq #2 : La Rencontre de Vins au Naturel,
du dimanche 5 au lundi 6 novembre, 10h à 18h,
Chez Alriq, Bordeaux (33).
- Il existe aujourd’hui un label « Vin Méthode Nature » vinmethodenature.org