Montée par Laora Climent, il y a sept ans, la compagnie OKTO impose sa patte dans le théâtre régional : féministe, avec un penchant pour le drag et l’uchronie.

Vous sous-titrez Okto « compagnie de théâtre féministe ». Pourquoi ?

Le féminisme est la première chose qui nous a réunies à la sortie de l’école de théâtre, en 2017. J’y faisais le constat qu’on était une majorité de femmes en formation, mais qu’il n’y avait pas de rôles pour nous, ou très peu.

Dans le théâtre de répertoire, les rôles masculins sont plus écrits, plus construits. Cela concernait aussi les textes contemporains ; on était avant #metoo ! Depuis, les choses ont changé, avec l’arrivée de nouvelles autrices. C’est pour ça que nous avons monté Levez-vous pour les bâtard·e·s, pour raconter la trajectoire d’un personnage féminin, la figure fantasmée de la sœur de Shakespeare, qui fait écho à toutes les femmes dans l’ombre, qui ont vu leur travail se faire rattraper par les hommes. J’avais aussi envie d’écrire des rôles de femmes qui soient enthousiasmants, qui puissent parler d’amitié, de sororité, d’adelphité, là où elles sont souvent ramenées, dans l’art dramatique, à une concurrence.

Cette première pièce, encore jouée au Glob Théâtre le mois dernier, a connu une certaine longévité (7 ans), assez rare pour un premier projet.

Oui, au Glob c’était une des dernières. On a joué une quarantaine de dates dans la région depuis sa création en 2018.

C’est d’autant plus notable que vous êtes sept au plateau, et qu’on sait les difficultés à faire tourner de telles distributions.

Cette façon de faire troupe fait partie de notre identité. Pour Patty’s got a gun, notre deuxième création, on est neuf, et sur la prochaine, Mordiable, on sera huit ! On sait qu’il s’agit d’un vrai engagement des programmateurs. De notre côté, être nombreuses au plateau réaffirme l’importance du collectif.

C’est aussi l’idée de faire un théâtre de troupe, de recréer une famille, comme une filiation avec des personnes qui m’ont beaucoup influencée : le Petit Théâtre de Pain ou le Théâtre du Soleil. Dans leur lignée, je défends un théâtre généreux, engagé, tourné vers les gens et la rencontre. Le travail de territoire que nous menons depuis trois ans avec le centre culturel des Carmes, à Langon, est l’une des expériences les plus fortes qu’on ait eue à vivre en tant que troupe.

Nous y avons fait des rencontres que nous n’oublierons jamais, des liens d’amitié forts se sont créés. En avril nous y jouerons le 3e épisode de notre série théâtrale, que nous avons créée avec des habitants et qui porte sur une histoire fantasmée de la ville. En juin, nous jouerons l’intégrale, suivie d’un grand banquet festif.


Dans toutes vos pièces, vous cultivez un rapport intense à l’Histoire : la première sur le théâtre du Globe de Shakespeare, Patty’s got a gun sur les groupes révolutionnaires des années 1970, et Mordiable, pièce encore au travail, autour d’Aliénor d’Aquitaine. Qu’est-ce qui vous attire dans ces références historiques ?

J’ai envie de me plonger dans l’Histoire pour questionner nos cultures et racines communes. Quand j’essaie de travailler sur le présent, j’ai toujours l’impression d’être en retard. Il me manque un décalage artistique. L’uchronie, qui est notre fer de lance chez Okto, nous permet de voir un peu plus loin, de lutter contre la fatalité de nos présents, de renverser le cours de l’histoire. Pour montrer qu’on n’est pas obligé de subir et qu’il n’y a aucun destin déjà écrit.

Propos recueillis par Stéphanie Pichon

Informations pratiques

Patty’s got a gun,
vendredi 23 mai,
Théâtre de Barbezieux, Barbezieux (16).

La Légende d’Alangon,
vendredi 5 avril, 20h30,
centre culturel des Carmes, Langon (33).

L’intégrale,
samedi 14 juin, 14h30,
centre culturel des Carmes, Langon (33).

Formule magique pour faire un film qui marche,
vendredi 6 juin, 20h30,
La Caravelle, Marcheprime (33).

Mordiable,
résidence création 2025 pour le festival national de Bellac [Festival des émancipations],
du samedi 1er au samedi 15 mars,
Théâtre du Cloître, Bellac (87), première en septembre.