Loin du chapeau et du fouet d’Indiana Jones, Hélène Réveillas, archéo-anthropologue rattachée au Service Archéologie préventive de Bordeaux Métropole, revient sur sa recherche autour du tombeau présumé de Michel de Montaigne. Article issu du guide des formations 2025.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours, de ce qui vous a conduite au métier d’Archéo-anthropologue, et en préciser les contours ?
J’ai commencé par des études de biologie-géologie à l’université de Bordeaux (UB) ensuite j’ai enchaîné avec un master Anthropologie Biologique et Préhistoire toujours à l’UB. Un master où on pouvait rentrer en venant de sciences dites « dures » comme moi mais aussi en venant d’histoire, d’archéologie… C’est assez ouvert. C’est là que j’ai découvert pour de bon l’archéo-anthropologie qui est donc l’étude des restes humains et des sépultures. J’ai ensuite réalisé une thèse dans ce domaine.
Vous avez coordonné une enquête interdisciplinaire autour du tombeau présumé de Michel de Montaigne au Musée d’Aquitaine, comment êtes-vous arrivée dans cette recherche hors-norme ?
Le directeur du Musée d’Aquitaine Laurent Vedrine à son arrivée s’est demandé où était vraiment la sépulture avec le corps de Michel de Montaigne puisqu’elle n’est pas dans le fameux cénotaphe, qui est un tombeau sans corps. Les premières recherches ont été menées dans le sous-sol du musée où à priori il était inhumé. Après les premières investigations, il y a été trouvé un tombeau avec deux chambres funéraires, l’une d’elle contenant un cercueil en bois sur lequel était vissé une plaque avec l’inscription Michel de Montaigne.
Le directeur a ensuite contacté le chef du service archéologique de Bordeaux Métropole qui m’a demandé de lancer une fouille sur ce sujet surtout car j’avais la spécialité demandée pour ce type de projet. Ensuite avec le service régional d’archéologie, nous avons construit cette équipe interdisciplinaire.
Comment s’est-elle déroulée cette fouille ? Quels ont été les métiers qui ont été convoqués ?
Nous avons fait une première campagne de fouille en 2019 en équipe réduite avec, entre autres, une collègue archéologue spécialiste du bâti pour étudier le tombeau, une collègue spécialiste du bois mais aussi une archéo-généticienne pour faire des analyses ADN.
A l’ouverture nous nous sommes aperçus qu’il y avait un deuxième cercueil en plomb à l’intérieur, une matière qui conserve très bien les matières organiques. Ça a donc changé beaucoup de choses. La fouille a été arrêtée et nous avons repris en septembre 2020 avec une équipe plus importante et d’autres spécialistes. Il y avait notamment des archéo-botanistes, spécialistes en botanique, des palynologues pour l’étude des pollens mais aussi des archéo-entomologistes, spécialistes des insectes anciens, un chimiste qui appliquait ses méthodes à l’archéologie ou encore des historiens.
Comment s’est articulée cette enquête interdisciplinaire ? Quels en ont-été les atouts de la réunification de cette diversité de métiers ?
Chacun amène les connaissances issues de sa spécialité. Par exemple, l’historien Laurent Coste a travaillé avec l’achéogéneticienne Marie-France Deguilloux pour essayer de trouver le meilleur profil possible pour faire des analyses ADN sur une personne descendante directe de Montaigne pour comparer l’ADN.
Quels sont les principaux résultats de cette enquête ? Qu’est-ce que cela a impliqué pour le musée ensuite ?
Malheureusement, nous n’avons pas pu trouver de descendant pour comparer l’ADN et être sûr à 100% qu’il s’agit de Michel de Montaigne mais nous avons quand même un faisceau d’indices concordants. Scientifiquement cela a apporté aussi de nouvelles données pour les pratiques funéraires pour la période par exemple.
Pour le musée, c’est un grand apport pour l’histoire du site et les collections ont été enrichies. Certains des objets trouvés sont maintenant exposés dans les salles du musée d’Aquitaine.
Un conseil pour les aspirants étudiants qui voudraient se diriger vers les métiers de l’archéologie ? Comment trouver sa voie ?
Je pense qu’il faut d’abord pratiquer notamment avec des chantiers-écoles. Ce sont des chantiers se déroulant généralement en été qui sont réalisés par des collègues chercheurs et qui accueillent des stagiaires pour leur prêter main forte. Il ne faut pas hésiter à postuler, ils sont pour la plupart listés sur le site du ministère de la Culture, ils sont rangés par région, département, vestiges etc.
Cette première approche leur permettra de voir si le terrain qui peut représenter une grande part de ce travail leur plaît. L’expérience permet aussi de rencontrer des archéologues, de pouvoir échanger sur leur spécialité et se rendre compte de ce qui correspond le plus à chacun. Les ossements, les sépultures, ça ne va pas plaire à tout le monde par exemple. Certaines spécialités requièrent plus de travail en laboratoire aussi. Il y a une grande diversité à appréhender. C’est de tout façon, un plus pour le futur puisque plus ils avancent dans un cursus en archéologie, plus on va leur demander des semaines de fouilles, c’est indispensable.
Propos reccueillis par Guillaume Fournier
D’autres formations
Pour se former aux métiers de l’archéologie, trois universités en Nouvelle-Aquitaine, celle de Poitiers, de Bordeaux Montaigne (UBM) et de Pau et des pays de l’Adour, proposent une licence mêlant histoire de l’art et archéologie. Au niveau master, l’UBM dispose aussi d’un master Archéologie, sciences pour l’Archéologie et d’un master en Archéométrie. De son côté l’Université de Bordeaux propose un master « Anthropologie Biologique et Préhistoire » pour ceux qui veulent s’orienter vers ces spécificités.
Article issu de notre supplément Guide des Formations 2025 à retrouver en version PDF