FAB 2022 FOCUS DANSE – Il y a la danse du dehors (Agnès Pelletier entre autres) et celle du dedans aux accents internationaux : la grande pièce collective de Jan Martens, les pierres mystérieuses de Marcela Santander Corvalán et le trio dadaïste d’Ayelen Parolin. Trois œuvres présentées au FAB cette année aux esthétiques éclatées, non sans quelques lignes de frottement.
En deux pièces grand format à Avignon, deux années d’affilée, le chorégraphe belge Jan Martens, pas encore quadra, s’est fait connaître d’un plus large public. Traçant son chemin entre précision d’écriture chorégraphique et minimalisme décalé, il présente pour le Festival international des arts de Bordeaux (FAB) Any attempt will end in crushed bodies and shattered bones, symphonie résistante pour 17 corps. Les deux représentations auront lieu dans la grande salle Vitez du TnBA le vendredi 14 et le samedi 15 octobre à 19h30.
Belgique et Amérique latine
Ayelen Parolin vit aussi à Bruxelles depuis 20 ans. Née à Buenos Aires, elle revendique des origines multiples – italiennes, amérindiennes –, un grand mix qu’elle explore depuis son premier solo autobiographique 25.06.76. Elle aime les décalages, infuser le rire dans ses pièces comme dans WEG ou Simple, trio masculin coloré et dadaïste présenté à la Manufacture jeudi 13 octobre.
Marcela Santander Corvalán est née au Chili, avant de se former entre l’Italie et la France, où elle est désormais installée. Les Bordelais ont pu la voir danser dans son solo Disparue ou dans les pièces de son acolyte Volmir Cordeiro (Époque et Trottoir) d’autant plus qu’elle est artiste associée de la Manufacture CDCN depuis deux ans. Marquées par une danse habitée d’autres corporéités, ses pièces s’inscrivent dans une histoire — et une géographie — ouverte. Avec Bocas de Oro, elle signe une première œuvre collective, dont le FAB a la primeur.
Mobilisation et résistance
Les 17 interprètes de 15 à 68 ans de Jan Martens prennent les figures de la mobilisation collective comme motifs, chacun d’entre eux déployant une gestuelle propre, que le chorégraphe orchestre avec précision et puissance. Son titre glaçant – Toute tentative se soldera par des corps broyés et des os brisés –, une phrase prononcée par le président chinois Xi Jinping lors des manifestations de Hong Kong, en 2019, devient l’aiguillon qui les pousse à tenter une résistance, parfois immobile et passive, d’autres fois collective et rageuse.
Marcela Santander Corvalán a aussi été ébranlée par d’autres soulèvements, ceux de la rue chilienne, à l’hiver 2019. Le son lancinant et persistant de pierres frappées sur un mur ne la lâche plus, qu’elle rapproche d’une légende pré- inca, celle d’une porte du soleil dont les pierres sont détentrices d’un secret pour le salut de l’humanité. Les quatre créatures « en peau de cuir et bouches d’or » habitent les zones d’ombre et tentent de construire de nouveaux récits, comment autant d’antidotes à la fin du monde.
La palme du rire pour Ayelen Parolin
C’est indéniablement à Ayelen Parolin que revient la palme du rire avec son trio de danseurs en académique d’une autre époque (celle de Cunningham sûrement) dans Simple. La chorégraphe a voulu revenir à l’os : la danse et le plaisir inouï du jeu, et c’est tout ! Avec une légèreté détachée et innocente, les interprètes reviennent à la source naïve, curieuse et émerveillée de la spontanéité, prêts à tous les piratages. Malgré le thème et le titre aux accents guerriers, Jan Martens n’en oublie pas sa patte décalée et joueuse. Tels des enfants pris dans des mouvements collectifs, ses danseurs de tous âges semblent mus par des règles prêtes à être transgressées, notamment dans un final rouge sang explosif.
Stéphanie Pichon
Informations pratiques
Bocas de Oro, Marcela Santander Corvalán & Mano Azul
Du jeudi 6 au vendredi 7 octobre, 21h,
Manufacture CDCN, Bordeaux (33)
Places entre 8 et 16 euros
Simple, Ayelen Parolin,
jeudi 13 octobre, 20h,
Manufacture CDCN, Bordeaux (33)
Places entre 8 et 16 euros
Any attempt will end in crushed bodies and shattered bones,Jan Martens / GRIP & Dance On Ensemble
Du vendredi 14 au Samedi 15 octobre, 19h30, Grande salle Vitez, TnBA, Bordeaux (33)
Places entre 11 et 28 euros