Le trio du collectif ÈS investit Espaces pluriels et l’espace Jéliote de sa danse contemporaine trempée à la culture populaire, dans un exercice de mémoire hautement ludique avec deux pièces : 1ère mondiale et jackpot+dancefloor.
Sidonie Duret, Jérémy Martinez et Émilie Szikora se rencontrent au conservatoire de Lyon dans les années 2010, et désirent très vite donner un cadre créatif à leur amitié : ce sera le collectif ÈS, formidable machine à décaler la danse contemporaine du côté de l’humour, de l’intensité physique et de la culture populaire.
Tout juste nommé à la tête du Centre chorégraphique national d’Orléans, le trio ne lâche rien de son ADN : une danse qui a choisi sérieusement de ne pas se prendre au sérieux, l’alliance d’une folle liberté formelle, et d’une volonté de toujours rattraper par la main le plus novice des spectateurs. Leur série populaire en est la preuve, imaginant de petites formes mobiles à partir du loto, du bal, du disco ou du karaoké.
Despacito et Saturday Night Fever
Dans 1ère mondiale (créé en 2019), s’agencent trois soli aux résonances très personnelles, reliés par le désir de questionner l’histoire et la définition de la danse contemporaine ; pas si balisée qu’elle n’y paraît. Jérémy Martinez se penche sur ce qui a tant séduit son père, quand, à 12 ans, il découvre John Travolta en king du dancefloor dans Saturday Night Fever1.
Son solo diffracté propose une variation autour de ces déhanchés, un brin datés, qu’il prend plaisir à ausculter : nommant, mimant, ralentissant les gestes, comme pour en extraire tout son jus et saisir lui aussi ce qui a fait ses premières joies chorégraphiques.
Sidonie Duret, elle, est hantée par Despacito, tube planétaire à l’efficacité rythmique imparable. Que fait-il à son corps, à sa danse ? Que fait-il à nos oreilles ? Entend-on vraiment ce qui nous est adressé ? Par son curieux exercice d’entêtement, la danse ressort plus libre, ni enfermée par le rythme qu’elle module à sa guise, ni hautaine non plus quand elle se détache du tube. Son solo, comme celui de Jérémy, travaille le rapport égalitaire entre un art dit élitiste et celui d’une consommation de masse.
Jackpot participatif
La démarche d’Émilie Szikaro décale un peu l’enjeu, en s’appuyant sur la Messe pour un temps présent, de Maurice Béjart de 1967, dont elle adopte les phrasés, l’allure en blue jeans et t-shirt blanc (comble du cool en ce temps-là). L’ultracontemporain de l’époque : c’est sa mère qui le glisse en voix off, marquée à vie par cette représentation. 50 ans plus tard, est-ce encore du contemporain ? Comment peut-on saisir cette danse sans technique définie, en perpétuelle réinvention ? Aujourd’hui, hier, demain ?
La réponse multiple dans 1ère mondiale se déplace dans un autre objet tout terrain : un Jackpot participatif, entre jeu collectif et quizz chorégraphique. La danse contemporaine, pas bégueule, y trouve encore d’autres endroits de rencontre et de rebonds avec le public.
Stéphanie Pichon
Informations pratiques
1ère mondiale, Collectif ÈS,
vendredi 10 janvier 2025, 20h,
Le Foirail, Pau (64).
mardi 14 janvier, 20h30,
Espace Jéliote, Oloron-Sainte-Marie (64).
Jackpot + dancefloor, Collectif ÈS,
samedi 11 janvier 2025, 20h,
Pavillon des Arts, Pau (64).
- Saturday Night Fever de John Badham, vendredi 17 janvier 2025, 20h, Cinéma Le Méliès, Le Foirail, Pau (64).