À plus de 400 ans, le phare de Cordouan, dernier phare habité de France, n’en finit pas de subjuguer les visiteurs qui gravissent ses 301 marches d’avril à octobre. Inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco, ce trésor architectural reste fragile, notamment à cause de l’érosion. 

C’est une excursion dont la destination peut paraître effrayante : le Paradis de l’Enfer. Un surnom unique donné au phare de Cordouan. Allumé depuis plus de 400 ans, le monument est désigné comme un « Enfer » selon la terminologie des gardiens de phare car il est situé en plein milieu de l’embouchure de la Gironde, face à l’océan Atlantique.

Mais c’est un Paradis tout de même car à marée basse l’espace de liberté autour du phare est plus grand que pour d’autres édifices de la sorte et les conditions de vie y sont plus confortables. On aurait pu rajouter un autre argument : le décorum. En effet, cet édifice haut de 67,5 mètres ressemble à un éden pour les amateurs d’architecture, d’histoire et de patrimoine.

Dernier phare habité de France

Pour pouvoir y accéder, la traversée en bateau est indispensable avec un départ depuis Royan ou depuis Le Verdon-sur-Mer. Sur l’eau, un petit air d’aventure se mêle aux premiers embruns marins qui viennent fouetter le visage. Très vite, « le phare des rois » ou « le roi des phares », – les deux fonctionnent –, pointe le bout de sa lanterne.

Construit sur un îlot rocheux, le phare de Cordouan est voulu par le roi Henri III (1574-1589). Début des travaux en 1584, sous la direction de l’architecte Louis de Foix pour sécuriser l’accès de l’estuaire de la Gironde aux navires arrivant ou partant de Bordeaux. Relancé par Henri IV (1589-1610), le chantier s’achève en 1611.  

Résultat, un phare de 37 mètres richement décoré dans le style Renaissance, bâti avec une pierre calcaire typique de la région qui se place comme une véritable porte d’entrée du Royaume de France. « Il a été créé pour éclairer mais aussi pour être vu, on l’appelle le “château-phare”, je trouve que ça lui va bien » explique Benoit, gardien du phare depuis 12 ans. Il sera le guide des visiteurs du jour qui ont dû emprunter un second bateau amphibie pour arriver à bon port.

Une chapelle unique au monde

Direction la couronne, la partie circulaire intérieure qui entoure le phare. Elle offre déjà des trésors à apprécier sans modération comme cette tête de Neptune et ces pattes de crabes qui ornent le fronton de la porte d’entrée de ce colosse des mers. Restaurée en 2016, elle est déjà de nouveau largement attaquée par l’érosion, véritable fléau sur le site.

À l’intérieur, après un passage dans le vestibule, qui a servi de lieu de vie pour les gardiens pendant plus de deux siècles, direction le premier étage et l’appartement du Roi (même si aucun roi n’y est jamais venu). Marbre au sol, deux immenses cheminées, monogrammes royaux au-dessus des portes, difficile de dire si nous sommes ici dans une pièce d’un château de la vallée de la Loire ou toujours au milieu des flots ! 

Un trouble renforcé à l’étage suivant avec la chapelle Notre-Dame de Cordouan. Une splendeur unique, aucun autre phare au monde ne possède une chapelle en son sein. Elle est le fruit de la volonté d’Henri IV pour mettre en avant sa nouvelle catholicité. Sous ce plafond en forme de coupole qui culmine à 12 mètres de haut se tiennent encore des messes, des baptêmes et même des mariages !

301 marches à gravir

Manquant de portée lumineuse, le phare est surélevé entre 1786 et 1789 sous la houlette de Joseph Teulère, qui lui donnera sa forme extérieure actuelle. Un changement drastique qui s’observe aussi à l’intérieur après avoir gravi les 133 premières marches et l’accession à la salle des Girondins [référence aux députés révolutionnaires, pas aux footballeurs, NDLR]. L’art de la découpe et l’assemblage de la pierre sont poussés ici à une hauteur vertigineuse avec en point d’orgue l’escalier en voûte sarrasine qui va serpenter quasiment jusqu’au sommet.

Les 168 marches restantes font passer à travers la salle des contrepoids, celle des lampes avant d’arriver à la chambre de veille. Orné de boiseries lors de la rénovation du phare en 1855, sous l’égide de Napoléon III, l’endroit permettait au gardien de surveiller le bon fonctionnement de la lanterne, aujourd’hui automatisée.

La lentille de Fresnel – crédit : Manuel Cohen

Pas besoin de lutter contre vents et marées pour gravir les 19 dernières marches. On arrive alors juste au-dessous de la lentille de Fresnel qui étend la portée lumineuse du phare à près de 40 kilomètres. Et il ne reste plus qu’à profiter du panorama à 360 degrés qui s’offre aux chanceux. Fort logiquement, le lieu géré par le Syndicat mixte pour le développement durable de l’estuaire de la Gironde (SMIDDEST) est classé monument historique depuis 1862, et inscrit sur la prestigieuse liste de l’Unesco depuis 2021.

Pas le temps de rêvasser pourtant puisqu’il faut déjà repartir avant de se faire piéger par la marée qui remonte. Juste le temps de redescendre, arpenter une dernière fois la couronne extérieure, faire un petit tour dans la charmante pièce d’exposition dévolue aux visiteurs curieux et enfin rembarquer. Après cette visite, Cordouan, le « Versailles des mers », continuera d’illuminer l’estuaire et maintenant aussi un peu nos souvenirs.

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Guillaume Fournier

LE DERNIER PHARE HABITÉ DE FRANCE

Uniquement ouvert à la visite d’avril à octobre, aux horaires de marées basses, le site du phare de Cordouan est tenu par 4 gardiens qui s’y relaient toute l’année. Il est d’ailleurs le dernier phare habité en France. Assurant deux par deux des présences d’une à deux semaines en continu, les gardiens vivent dans les espaces privatifs dans la couronne entourant le phare.

« Quand il n’y a plus de visites, on attaque les chantiers car il y a beaucoup à refaire, réparer, rénover sur le monument parce qu’ici, tout s’abîme très, très vite », explique Benoit. Entre 2005 et 2021, s’est d’ailleurs tenue chaque année durant ces mois une grande campagne de restauration qui aura coûté près de 10 millions d’euros.

Informations pratiques

Phare de Cordouan,
visites d’avril à octobre,
horaires variables en fonction des marées.

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