Les métiers du bois sont en plein boom. Charpente, ébénisterie, menuiserie… les perspectives pour les jeunes passionnés ou les sédentaires de bureau en recherche de reconversion sont légion. À Felletin (23), une nouvelle impulsion a été donnée à la formation dans le secteur à travers un projet de reproduction d’une travée de Notre-Dame de Paris.
330 km séparent le lycée des métiers du bâtiment de Felletin (LMB) de Notre-Dame de Paris. Un battement ému de paupière lorsque sont arrivées les images de l’incendie de la cathédrale, le 15 avril 2019. À cette catastrophe, la région Nouvelle-Aquitaine et son président Alain Rousset ont souhaité répondre avec le lancement d’un projet d’envergure. Dans l’école creusoise et une constellation d’autres lieux de formation du bois devaient être dessinées, puis édifiées, une des dix travées de la nef en taille réelle, ainsi qu’une maquette de sa charpente détruite, à l’échelle 1/10. Une double opportunité : démontrer le savoir-faire local et la richesse des ressources en matériaux, mais aussi lancer une école régionale du patrimoine en Nouvelle-Aquitaine rassemblant une trentaine d’établissements.
Le projet de la travée a d’abord nécessité la mobilisation scientifique des spécialistes néo-aquitains. Le rassemblement de nombreuses compétences régionales : Compagnons de Chancelade (24), Compagnons d’Agen (47), Greta de Saint-Maixent (79), Compagnons d’Anglet (64), campus Forêt-Bois de Saint-Paul-lès-Dax (40). Une intelligence collective utile pour déchiffrer les mystères de Notre-Dame. « Encore aujourd’hui, on ne sait pas comment la charpente a pu être levée au XIIIe siècle. Il a fallu comprendre et relever ce défi. Heureusement, un relevé précis avait été réalisé quelques années avant l’incendie », explique Laurent L’héritier, directeur délégué aux formations à Felletin. En s’appuyant sur l’université de Bordeaux, les éléments en chêne (chevrons, pannes, contrefiches…) ont été conçus dans ces différents établissements. Démontés, ils ont ensuite été acheminés à Felletin pour assemblage. Une véritable synergie que les formateurs espèrent pérenniser tout en promouvant des méthodes écoresponsables et respectueuses de l’environnement.
Ce réseau s’est même étoffé avec l’inclusion dans le projet d’école régionale de la Fédération des industries du bois d’Aquitaine, la Fédération française du bâtiment, l’interprofession forêt-bois du Limousin BoisLim et la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment. L’affaire de tous désormais.
À présent visible sur place, le résultat confère une carte de visite au LMB qui compte trois filières de formation dans les métiers du bois : la charpente traditionnelle, la construction à ossature bois et la menuiserie, du CAP au BTS. D’autres secteurs y sont représentés comme la taille de pierre, la maçonnerie en rocaille, ou encore tout récemment l’innovation technologique (usage des drones) dans le suivi du bâti. L’établissement situé à quelques kilomètres d’une autre prestigieuse maison de formation (la Cité internationale de la tapisserie d’Aubusson), doté de 18 hectares et 45 000 m² de plancher, va prochainement être rénové et même étendu pour près de 46 millions d’euros.
Très en tension, les entreprises des métiers du bois recherchent ardemment de nouveaux professionnels. « Nos étudiants n’ont aucun mal à trouver des points de chute », indique Laurent Lhéritier. Outre des dimensions de classes adaptées (une quinzaine d’élèves au maximum), le lycée dispose aussi de propositions de logements à moindre coût : internat, cité universitaire, et un marché locatif raisonnable. Alors que l’été 2022 a démontré la fragilité et la préciosité du bois à la suite de nouveaux terribles incendies, celui-ci a plus que jamais la cote. Rendez-vous dans la Creuse.
Thibault Clin