Sous la houlette du chef Romain Goyeneche et du sommelier Paul Chauvet, la table spectaculaire de Lurrak, sise à Arbonne, propose 3 menus découverte.
Le temps est doux en cette fin de matinée. À un vol d’oiseau du littoral, voici le Pays basque éternel. Passé l’office, le fronton résonne d’une partie de pala, la cidrerie est ouverte, derniers achats au marché. Cette quiétude sied à la découverte des fascinantes pierres tombales discoïdales du cimetière. Le chœur de l’église, lui, dévoile une insoupçonnable beauté.
L’adresse se fait discrète, on entre directement en salle comme chez soi. Intimité, épure (du mobilier à la décoration), luminosité naturelle, bien loin des figures imposées de l’auberge « pittoresque ».
La trinité « nature, terroir, saison »
Natif de Saint-Jean-de-Luz, Romain Goyeneche est rentré au pays. Celui de l’intérieur, où l’on roule les R. Inspiré par les talents de sa mère, il a roulé sa bosse : Les Frères Ibarboure à Bidart, La Mare aux oiseaux à Saint-Joachim, l’Hôtel de Crillon à Paris, David Toutain à Paris, Kadeau à Copenhague. Chez Toutain (deux étoiles au Michelin), il croise Paul Chauvet, sommelier aussi affable que modeste, passé notamment par l’Alpage à Megève et les caves Augé. Une amitié plus que solide.
Lauréat 2020 du prix jeunes talents du Gault et Millau, le Luzien vient de franchir un cap avec Lurrak (terres en basque), installé dans une bâtisse nommée Orhoïtzapena (souvenirs en basque). De la trinité « nature, terroir, saison », le jeune chef a puisé l’inspiration pour ses 3 menus découverte, gradués en fonction de l’altitude et se référant à des essences locales, du châtaignier (42€) au hêtre (69€) jusqu’au pin (92€).
Accord inédit et somptueux
Assis avec vue imprenable sur le piano janséniste du maître des lieux, on admire le geste parfait, l’économie de moyens, la rigueur au service de l’assiette. Le récital peut commencer, direction la cime des pins en huit haltes. Mise en bouche carotte et orange, une bille délicate recouverte de pétales de fleurs, passé le croquant, la texture soyeuse fond dans le palais, l’agrume le dispute au sucré. Puis, une huître en gelée avec mayonnaise relevée au curry. Stupéfiant sur le papier, l’accord inédit et somptueux dissipe le doute. Merveilleux.
Brochette de pigeon et lard de porc Kintoa (sur une vraie pique en pin), le beau rosé de l’oiseau fondant à souhait, le croustillant du lard, la note poivrée mais nullement puissante. Une harmonie incroyable. On en vient à s’extasier sur le modèle du couteau. Là encore, la vaisselle est à l’image de l’expérience : sans fioritures.
Poisson divinement cuit
Déguster une pomme de terre relève-t-il du sacré ? Totalement. Entre mâche et fondant, découpée façon tagliatelle, magnifiée d’une crème d’ail nouveau. Pour plus d’indécence, cette splendeur est accompagnée d’une brioche et de beurre aux oignons caramélisés. Accord plus que parfait.
Saint-Jacques, avec réduction de butternut et de noix, et oxalis (le faux-trèfle). La première bouchée enlève toute appréhension : respect du coquillage au summum, mariage des jus ad hoc, on tutoie le sublime. Et le pain, délicieux, vous transforme en Winnie l’ourson nettoyant son bol avec plus d’application que nécessaire.
Toujours plus d’iode avec la lotte, persil en chlorophylle, œufs de truite et poireau fumé. Totalement mystifié par ce persil à la saveur d’épinard, et que dire de cette préparation inattendue du poireau, un Fregoli qui ne demande qu’à se révéler ? Le poisson divinement cuit confirme le très haut degré de respect porté à chaque produit.
Trop difficile d’élire un dessert
Un peu de viande avec la longe de porc Kintoa, poire et daïkon. Le long navet blanc en tagliatelle et la poire, légèrement passée à la flamme, subliment l’onctuosité et la tendreté du mets. Jus impeccables. Tout est à sa place.
Difficile d’élire un dessert. Trop difficile. Crème brûlée à la baie de genièvre et pointe de fleur de sel. Salé, sucré, parfum de liqueur. Ébouriffant. Tatin de pommes, glace et chips de panais, fleurs de cognassier ou comment changer radicalement d’avis sur un légume. Le tout chocolat — glace, ganache, fève Tonka — gelée de Fino catalan et quelques feuilles d’oxalis épate par ses nuances.
Évidemment, l’accord mets et vins est envisageable (65€), mais on l’a joué vertu locale avec un irouléguy blanc Malda de 2021 du domaine Goienetxea de Bixente Indart. Très belle découverte, certifiée AB, ayant épousé durablement le repas. La carte des vins, sérieuse et solide, s’enorgueillit de sacrées références en champagne.
Une truffe au chocolat, un dernier regard sur la chaîne des Pyrénées. Puis, s’installe le silence. Et le silence après Lurrak, c’est toujours Lurrak. Milesker.
Marc A. Bertin
Informations pratiques
Lurrak
8 route du Bourg, 64210 Arbonne
Du lundi au dimanche, 12h15-14h, 20h-22h, sauf le jeudi, 12h30-14h.
Fermeture mardi et mercredi.
Réservations 09 88 37 70 09