Chahuts, Le festival des arts de la parole de Bordeaux perd son QG mais retrouve rues, places et appartements du quartier Saint-Michel. Pour des formes en toute proximité, comme avec ces Portraits fantômes dressés par le chorégraphe Mickaël Phelippeau.

Pousser les portes des appartements des rues de Saint-Michel à Bordeaux, s’y rassembler à peu, y écouter des conteurs, danseurs, comédiens. Ma première rencontre avec ce qui s’appelait alors le Festival Interculturel du conte de Saint-Michel s’est jouée là, dans l’intimité d’un salon ou d’une cuisine. C’était il y a… longtemps.

L’édition 2024 de Chahuts, festival des arts de la parole, s’ouvre le 6 juin sur une déambulation entre trois logements d’habitants du quartier. S’y dévoilent les Portraits fantômes de Mickaël Phelippeau, chorégraphe toujours de jaune vêtu, dont on se rappelle les tout premiers bi-portraits chorégraphiques en 2008, au TNT, dans un duo sensible avec Jean-Yves, prêtre de Bègles.

Absorber les indices

Le protocole de ces Portraits fantômes est le même depuis onze ans : passer trois jours et trois nuits dans trois appartements, seul. Absorber les indices, humer les atmosphères, glaner photos et papiers, bibelots et fiches de paie, disques et vêtements, ouvrir des journaux intimes, parfois aussi, lorsque les occupants des lieux les ont laissés à portée de main. Puis, brosser un portrait en creux, comme une version fictive de ces personnes inconnues, qui ont accepté de lui laisser les clés de leur intimité.

Dans une déambulation collective, les spectateurs découvrent trois décors, trois figures et trois formes artistiques sur le fil. « Avoir trois appartements me permet de jouer de registres de performativité très différents : réalistes parfois, ou très abstraits d’autres. À travers ces portraits, c’est aussi ma subjectivité, ma sensibilité qui transparaît. Un peu de moi. »
Là, dans le public, est souvent assise cette personne fantasmée. Le spectacle devient le lieu de la rencontre, physique, qui souvent dure bien après les représentations.

« Protéger l’intimité des personnes »

Qu’en trente portraits fantômes, personne n’ait jamais été froissé, gêné, trahi par cette intrusion, tient aussi à la grande délicatesse du chorégraphe. « Une seule fois je me suis senti à côté de la plaque, mais j’avais mal interprété la réaction de la personne. Généralement je trouve toujours des moyens de protéger l’intimité des personnes. »

Comme lire des extraits de journal intime qui livre une histoire d’amour douloureuse avec des mots très beaux, et faire croire à la lecture d’un roman acheté à la Fnac. Invité pour la première fois à Chahuts, le chorégraphe réitère ce vertige d’un plongeon sans filet dans l’intime. Attention, jauge ultra-limitée !

Stéphanie Pichon

Informations pratiques

Portraits fantômes, Mickaël Phelippeau,
du jeudi 6 au dimanche 9 juin,
dans le cadre de Chahuts, festival des arts de la parole, du jeudi 6 au dimanche 16 juin, Bordeaux (33).

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