Il était l’un des pionniers de la danse hip-hop lors de son apparition en France dans les années 1980. Aujourd’hui, Anthony Égéa gère une compagnie de référence, Rêvolution, après avoir fait vivre un centre de formation de danseurs durant 25 ans.

En 1984, Anthony Égéa habite la cité de Saige-Formanoir à Pessac (33). C’est ici qu’il découvre le hip-hop, tout droit arrivé des États-Unis, drainant ses codes, sa danse. Le jeune footballeur troque alors ses crampons pour des baskets, et part à la conquête de ces nouveaux pas.

Dans les caves, sur un bout de carton dans la rue, ou sur la dalle du quartier Mériadeck à Bordeaux, il parfait sa maîtrise tout en développant un véritable moyen d’expression avec une bande d’amis.

« Une culture qui venait à nous »

« C’était toute une culture qui venait à nous. Le break nous a permis de sortir et d’être reconnus. Pour certains, c’était la musique, d’autres le sport, nous c’était la danse. » C’est l’époque des premières boîtes à rythmes sur laquelle se pose cette musique « venue du sol » et cette danse virtuose qui renverse les corps et qui irrigue des valeurs de curiosité, de partage et de respect. Une urgence et une générosité qu’il transmet encore aujourd’hui à l’envi.

Après avoir écumé les discothèques et les soirées de quartier, Anthony réalise qu’il peut vivre de cette découverte, devenue passion dévorante. Un parcours académique s’ouvre devant lui, riche de potentialités dont il ignorait tout jusque-là.

« J’ai pris des cours de danse jazz au conservatoire de Bordeaux, puis d’autres de danse classique. J’ai halluciné. Ces disciplines demandent une virtuosité incroyable. Les danseurs de ballet maîtrisent l’espace aérien. C’est l’équilibre que j’ai recherché au final : pouvoir voler dans les airs tout en maîtrisant le sol avec le hip-hop. Le ciel et la terre. Pour devenir un danseur intouchable. »

La richesse de l’hybridation

Au milieu des années 1990, le Pessacais décroche une bourse chorégraphie du ministère de la Culture. Direction l’école supérieure Rosella Hightower de Cannes. Puis c’est le ministère des Affaires étrangères qui l’envoie à New York au Dance Theater d’Alvin Ailey, via la bourse Lavoisier. Autant d’enseignements mêlés d’influences multiples qui enrichissent sa danse et son projet collectif, la compagnie Rêvolution, lancée en 1991, « un métissage et une imbrication de techniques ».

En 1998, fort de ces expériences dans de grandes institutions, un centre de formation professionnelle voit le jour à Bordeaux, adossé à la compagnie Rêvolution, avec l’objectif de former des danseurs traversés par les mêmes courants originaux : hip-hop, classique, jazz, contemporain…

Une structure qui assure un vrai débouché professionnel à de jeunes talents, tout en contribuant à faire émerger une scène hybride en France. En parallèle, sa compagnie développe le Groupe d’Intervention Chorégraphique qui occupe l’espace public en « se réappropriant les codes de la rue ». Désormais concentré vers la chorégraphie, Anthony collabore avec tout un écosystème artistique : compositeurs, DJ, scénographes et techniciens du son et de la lumière pour créer et jouer ses spectacles.

Conseils aux jeunes

Cet œil d’artiste et de pédagogue l’a souvent conduit à conseiller de jeunes danseurs tentés par le professionnalisme. « Mon conseil, c’est surtout de travailler ses manques. La base, c’est d’avoir une sensibilité artistique. Le niveau technique peut s’apprendre par la suite. Il faut également être curieux : aller voir des spectacles, théâtre, musique, danse, mais aussi connaître le milieu institutionnel. C’est à partir de là qu’on peut construire un projet professionnel. » Autre point essentiel, la maîtrise de son image dans une époque où la capacité à se vendre est devenue une nécessité.  

Dans le quartier des Chartrons, son lieu de recherche, de création et de formation permet à des associations ou groupes de danse de prodiguer des cours et s’exercer. Un lieu de vie né avec le hip-hop et qui entretient ses valeurs humanistes.