À Bordeaux, le CAPC musée d’art contemporain accueille Nina Beier pour sa première exposition personnelle dans une institution française, et retrace près de vingt ans de création.
Nina Beier, qui expose à Bordeaux au CAPC musée d’art contemporain jusqu’au dimanche 8 septembre, pratique l’art de la rencontre improbable. Deux objets distincts sont juxtaposés, associés ou ajustés. Ils impliquent la présence de deux réalités différentes, rapprochées, attenantes mais jamais fondues.
Ils existent et affirment leur existence dans une proximité active qui ne cherche pas à amoindrir leur netteté. Des véhicules télécommandés débordés par des cheveux humains. Des œufs en marbre et pierre posés sur les marches d’un escalier en colimaçon.
Combiner, composer, enchaîner
Un cigare roulé à la main inséré dans l’orifice d’évacuation d’un évier en céramique. Des tablettes de chocolat Mars® alignées sur des morceaux d’asphalte. Un toboggan-éléphant en fibre de verre colonisé par des éclats d’ardoise. Un chien en porcelaine peint à la main à côté d’un vase en porcelaine peint à la main. Un tas de terre coiffé par la plus grosse graine du monde, celle du cocofesse.
Il s’agit de combiner, de composer et d’enchaîner. L’enjeu, c’est d’être en embuscade dans plusieurs champs possibles. Ce qui compte, c’est de prendre des éléments du réel ou de l’imaginaire, des registres venus de sources variées et favoriser les glissements d’une interprétation à une autre, d’une sphère à une autre, de pointer la multiplicité de leurs strates, de leurs ressources et de leurs impasses. La rencontre repose sur un principe d’incongruité. Elle creuse une faille dans ce qu’on a l’habitude de prendre pour la norme et implique l’inopiné, le court-circuit dans une familiarité qui bascule dans le déraisonnable.
L’œuvre de Nina Beier s’impose comme une évidence
Dans l’univers de Nina Beier, le prosaïque, l’artificiel, le suspens, la fantaisie, l’interrogation, l’extravagance, la séduction accentuent leur degré de vibration et de réverbération dans une multiplicité de rapports changeants, rebelles et pourtant parfaitement maîtrisés. Des significations opposées se touchent, s’affrontent et gagnent en intensité du fait de leur conjonction astucieusement forcée.
L’intérêt essentiel de ces compositions ne réside pas uniquement dans la virtuosité d’une manipulation et d’un habile agencement. Il ne peut, non plus, se réduire à un subtil processus d’enchantement.
Moquette blanche dans la grande nef du CAPC
Il conserve son tranchant parce que l’œuvre ici s’impose comme une évidence sans cependant faire disparaître son énigme, qui, au contraire, s’offre plus insistante, plus troublante et plus opérante pour détourner l’esprit des choses rationnelles. Mais également parce que tout semble venir de cette profondeur fabuleuse qui soudain nous paraît si proche et appartenir au plus intime de nos rêves.
Dans la grande nef, la majeure partie du sol est recouverte d’une moquette blanche sur laquelle les objets, dans leurs étranges cohabitations, deviennent des porteurs de récits qui investissent des registres allant des plus fluides aux plus acérés, des plus organiques aux plus fantasmés, des plus politiques aux plus poétiques. Cette présentation qui résulte d’un jeu d’équilibres et d’interactions, d’éclosions et de désagrégations, vise moins à édifier une totalité qu’à faire ressortir une diversité magnétique.
Didier Arnaudet
Informations pratiques
« Nina Beier, Auto »,
du vendredi 8 mars au dimanche 8 septembre,
CAPC musée d’art contemporain, Bordeaux (33)