Redécouvert il y a quelques dizaines d’années, le site de Cassinomagus de près de 15 hectares, situé à Chassenon, en Charente, brille notamment par ses thermes gallo-romains parmi les mieux conservés d’Europe. Un passionnant condensé d’histoire animé avec brio qui n’a pas encore livré tous ses secrets.

« Excusez-nous, nous cherchons l’aqueduc, savez-vous où il se trouve ? » Sorties de leur contexte, certaines questions peuvent sembler étranges. Pourtant, rien de plus normal à Chassenon, en Charente, sur le site de Cassinomagus.

Parc archéologique de 15 hectares, situé entre Limoges et Angoulême, Cassinomagus est assurément l’un des plus beaux trésors archéologiques de Nouvelle-Aquitaine.

Fusion d’un astéroïde et des roches du sol

Un site dont l’histoire mouvementée débute 200 millions d’années en arrière. À cette époque, un astéroïde d’un kilomètre et demi de diamètre s’écrase à quelques kilomètres de l’actuelle ville de Rochechouart. S’il n’est pas responsable de la disparition des dinosaures, cet impact change en profondeur la région notamment au niveau géologique avec l’arrivée de l’impactite. Une pierre particulière, fusion de l’astéroïde et des roches du sol.

Une matière première qui va servir de base principale pour la construction des millions d’années plus tard de la ville de Cassinomagus. Cette agglomération gallo-romaine est bâtie au IIe siècle après Jésus-Christ, à une époque où la Gaule est alors sous domination romaine depuis des siècles (à part bien sûr quelques irréductibles Armoricains nourris par une célèbre potion magique).

Un des sites archéologiques antiques les mieux conservés d’Europe

À la lisière de cette ville nouvelle, au niveau de l’actuel parc archéologique, se concentrent temple, thermes et même aqueduc ; réalisations caractéristiques de la civilisation gallo-romaine. Des infrastructures destinées autant aux habitants qu’aux voyageurs puisque cet ensemble se trouvait non loin du tracé de la via Agrippensis ou voie romaine d’Agrippa, alors axe de communication essentiel en Gaule.

Une ère extrêmement riche que se propose justement de mettre en avant le parc, avec un certain succès. En effet, le site, propriété du département de la Charente, mais géré depuis 2017 par l’entreprise Alfran, spécialisée dans la valorisation de sites patrimoniaux, attire environ 20 000 visiteurs par an.

Au programme, la découverte du lieu, ses particularités et surtout son joyau, les thermes gallo-romains admirablement bien préservés sur plus de 12 500 m2, dont 80% ont été exhumés. Des dimensions qui en font le plus grand édifice encore debout dans sa catégorie en France et l’un des mieux préservés en Europe ! En visite libre ou guidée ou par le truchement des nombreuses activités proposées (de l’escape game à la murder party à Halloween), il est possible de déambuler à l’intérieur de ce lieu forcément hors du temps.

Douce scénographie

Ce dédale consacré à l’hygiène était conçu pour créer un choc thermique entre des parties froides et chaudes. En se promenant dans les différentes pièces, on peut, par exemple, se rendre compte de la complexité de l’hypocauste, système de chauffage par le sol, ou encore du  réseau de canalisations pour répartir l’eau arrivant par aqueduc.

Le clou du spectacle est à chercher au fond du parcours avec les deux piscines, les salles chaudes des thermes. Elles impressionnent par leur qualité de conservation puisque même des plaques du carrelage en calcaire au fond de la piscine sont encore visibles ! Pour permettre aux visiteurs de mieux se projeter, une douce scénographie a été mise en place avec des visuels donnant à imaginer ce à quoi auraient ressemblé les thermes en activité. Une immersion doublée par une ambiance sonore diffusée un peu partout où fusent des conversations en latin. 

Des thermes protégés des affres du monde

Émerveillé mais interrogatif, on se demande comment cet héritage du passé a pu traverser les siècles dans un tel état de conservation. La réponse peut s’obtenir auprès d’un guide ou sur les panneaux de la dense exposition permanente présente dans le bâtiment d’entrée. Après 150 ans de fonctionnement, les thermes sont partiellement ravagés par un incendie avant d’être abandonnés. La nature reprend alors ses droits, ensevelissant les vestiges en même temps que la mémoire commune qui en oublie l’existence. Sous les décombres, les thermes sont protégés des affres du monde et de sa perpétuelle reconstruction.

Bâti juste à côté, le gigantesque temple dit « de Montélu », de près de 30 mètres de haut, n’a pas cette chance puisqu’il n’en reste aujourd’hui presque plus rien. Miracle de la technologie, une visite en réalité virtuelle permet d’appréhender ce qu’était cet édifice sacré et son utilisation à son apogée. Un exemple de la longue liste des bonnes initiatives déployées pour faire vivre l’histoire de façon ludique.

Il faudra attendre 1958, et le travail acharné de Jean-Henri Moreau, fondateur de la Société des Amis de Chassenon, pour que les thermes sortent de leur cryogénisation naturelle. S’ensuivront plus de 30 ans de recherches pour que ce qui était devenu un système de tunnels souterrains dans lesquels s’aventuraient les enfants révèle sa vraie fonction.

Un travail titanesque qui n’est pas fini puisque des fouilles archéologiques professionnelles ont encore lieu régulièrement sur place. Preuve que le site, classé monument historique seulement en 2023, recèle encore de nombreuses surprises. Pour un voyage dans le temps pas besoin d’engins complexes, il suffit de se rendre à Chassenon.

Guillaume Fournier

Informations pratiques

Cassinomagus,
réouverture à partir du 5 avril,
Chassenon (16).