Anika Mercier a conçu le style et les accessoires d’une bonne partie des personnages du nouveau volet du jeu vidéo Assassin’s Creed, développé par le studio Ubisoft. Un premier emploi rêvé, fruit d’une formation et d’une motivation en béton armé.
Il y a d’abord eu le dessin, sur papier, ce coup de crayon qui donne vie à des personnages et des scènes. Anika l’a affûté sur les bancs de l’école. « J’ai eu une passion pour l’animation, notamment pour la poésie et les personnages touchants des films du studio Ghibli. » Mais sans anticipation précoce d’une carrière à conduire dans le métier. D’abord entraînée dans des études bien pragmatiques d’économie et management international, la Girondine ne bifurque vers son ambition artistique qu’au retour d’un exil Erasmus en Allemagne, à 21 ans.
C’est bien ce monde de la création qui la portera finalement. Forte d’un book sans cesse enrichi de nouvelles compositions, elle soumet une candidature à l’École de Création Visuelle (ECV) de Bordeaux, établissement de référence depuis plus de 20 ans. Sa motivation et ses réalisations convainquent le jury d’admission, chargé de former une promotion sous numerus clausus. Elle a désormais cinq ans face à elle pour étudier la production du cinéma d’animation.
Une passerelle inattendue
Son cursus débute par une « prépa » intégrée, où le dessin académique est étudié à la loupe afin d’apprendre à maîtriser les contours d’un environnement ou d’un corps, avant de pouvoir l’animer. En 3e année, un film de fin d’études doit être réalisé en équipe avant d’accéder à un mastère où elle se spécialisera dans le « character design », la création de personnages sous toutes leurs coutures.
En cours, Anika rencontre Jean-Luc Sala, directeur artistique sur la franchise de jeu vidéo Assassin’s Creed, développé par le studio français Ubisoft. Une rencontre qui ne sera pas anodine.
En mastère, un premier stage facultatif au sein du Studio Oracle lui permet de travailler brièvement sur la série télé d’animation Royal Kobra. Puis un stage obligatoire de fin d’études lui permet d’ouvrir la porte d’Ubisoft. Un atterrissage inattendu dans l’univers du jeu vidéo. Pas spécialement « gameuse » – « mais j’aime voir les autres jouer en revanche ! » –, elle va néanmoins mettre à profit ses compétences de création pour intégrer la prestigieuse maison (Rayman, Splinter Cell, Far Cry…) dont l’antenne bordelaise a ouvert en 2017.
« J’ai d’abord travaillé sur du “props design », à savoir la création d’objets, d’accessoires et d’instruments utiles au jeu. Ce que je pouvais déjà faire dans l’animation. » Investie et motivée, elle finit par ». « Mon mastère à l’ECV était vraiment intense, ça m’a bien préparée. J’ai bénéficié du rythme de travail que j’avais pu connaître, quand il pouvait m’arriver de travailler les nuits et les week-ends à l’école. »
Recherches et imagination
Au fil de missions brillamment réussies, elle devient finalement character designer (conceptrice de personnage) du nouvel Assassin’s Creed, franchise dont les différents volets ont généré 200 millions de jeux vendus. Chaque vêtement, texture, couleur, drapé, fait ainsi l’objet d’une recherche afin de rentrer dans le cadre de l’histoire développée et des péripéties à affronter, selon le degré de réalisme recherché.
- Pour aller plus loin : Les secrets du nouveau jeu vidéo Assasin’s Creed dévoilés à Bordeaux
Son poste, unique à Bordeaux, lui permet de collaborer au sein de l’équipe de modélisation 3D, qui récupère ses concepts, façonnés sur tablette graphique. Le travail est conséquent : le jeu contient plusieurs centaines de personnages, du principal, décliné selon l’évolution du récit, aux plus secondaires, dont une armée de figurants anonymes auxquels il faut pourtant bien donner une incarnation pour faire décor. Véritable sprint de fabrication, cet Assassin’s Creed a suscité tout de même deux ans de travail, quand d’autres titres étirent leur préparation sur cinq ou six ans.
Côté technique, Anika a pu apprendre à maîtriser les bons outils à l’ECV : Toon Boon, Flash, Storyboard Pro… même si Photoshop reste son outil de travail ultra-majoritaire. Les crayons sont désormais rangés au fond du tiroir, du moins au boulot. « Mais cela reste essentiel de stimuler sa créativité et son imaginaire quand on est artiste, de sortir de sa zone de confort. »
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Article issu de notre supplément Guide des Formations 2024 à retrouver en version PDF