Ouverte en 1990, le Krakatoa, salle de concert à Mérignac tire le rideau jusqu’au printemps 2026 pour une rénovation d’ampleur coûtant près de 8 millions d’euros. Mais avant ça, une dernière soirée est prévue le 28 novembre. Entretien avec le directeur Didier Estèbe avant la pause.
Le Krakatoa s’apprête à fermer ses portes, la rénovation était-elle indispensable ?
Oui, le Krakatoa est une SMAC [Scène de Musiques Actuelles, ndlr] que j’ai baptisée de première génération. C’est un projet qui est venu se poser dans un bâtiment déjà existant, une ancienne salle des fêtes. Nous y sommes arrivés il y a 34 ans avec l’association Transrock. Après tout ce temps et quelques rénovations, l’endroit n’était plus en adéquation avec le projet.
C’est pour ça qu’en 2015, nous avons proposé à nos partenaires et, en particulier la Ville de Mérignac, propriétaire du lieu, et notre premier partenaire, l’idée d’une rénovation/amélioration. Un projet discuté au fil du temps et finalement adopté à l’unanimité lors d’un vote du conseil municipal en 2021.
En 10 ans, le projet de rénovation a dû évoluer…
Bien sûr, cela a évolué en fonction de la conjoncture et de nos aspirations. Nous avons aussi proposé cette rénovation dans le cadre de la transition énergétique pour que le bâtiment soit à terme le moins gourmand en électricité et en eau. L’endroit sera donc mieux isolé, doté de panneaux photovoltaïques, et muni d’un système de récupération d’eau de pluie. Le bâtiment devrait être passif au niveau énergétique à part lors des concerts.
Outre le côté énergétique, pouvez-vous nous présenter le nouveau projet du Krakatoa ?
La rénovation a été envisagée en fonction du projet existant et en veillant à nous donner de nouvelles options de développement. Pour la diffusion, donc les concerts, la salle va passer à une jauge pour le public de 1 500 places avec toujours un caractère évolutif permettant de redimensionner en fonction de nos volontés. Nous aurons aussi une nouvelle salle de 250 places, baptisée Anak.
Il y aura aussi un nouveau lieu qui accueillera de nombreux événements comme les ateliers ou des rencontres organisées par le Pôle action, mais aussi des petites résidences du Pôle création jeune public ou encore les journées avec les scolaires menées par le Pôle médiation. Les halls d’entrée vont être fortement développés, il y a aussi la création d’un vestiaire, l’aménagement de deux bars et la création de vrais bureaux pour l’équipe permanente. Nous allons aussi passer de 2 à 4 loges avec un catering agrandi pour les artistes.
Quel est le coût total estimé pour tous ces travaux ?
Près de 7,9 millions d’euros, financés par la Ville de Mérignac, avec le soutien de la Direction régionale des affaires culturelles (1 M€), et de la Région Nouvelle-Aquitaine (1,5 M€). La Ville de Mérignac est maître d’ouvrage sur le projet qui a été pensé en totale collaboration avec nous. C’est la Ville qui a choisi le projet lauréat, celui proposé par Dune Constructions et Compagnie Architecture.
Avant les travaux, une dernière soirée est organisée le 28 novembre avec notamment J.C. Satàn, issu de la pépinière du Krakatoa. L’idée était-elle de rassembler les talents de la salle pour cette dernière avant la pause ?
Oui, nous avons tenu à ce que cette dernière date reflète l’ADN de l’endroit avec un groupe du territoire qui reflète la couleur de la salle. Notre choix s’est porté sur J.C. Satàn et ils ont tout de suite accepté. Effectivement, ils sont passés par la pépinière, en 2014, et ils ont aussi fait la release party de leur quatrième album ici, en janvier 2016.
L’affiche est complétée par deux groupes, Mary Bell et Augusta dans le cadre du partenariat de longue date que nous avons avec l’association Les Femmes s’en mêlent. Cela nous permet de mettre en avant un certain nombre de valeurs qui nous semblent essentielles. D’ailleurs, nous avons développé un partenariat avec l’association MEWEM, fondée en 2018 pour la promotion des femmes et des minorités de genres entreprenant dans la musique.
Dans ce cadre, nous organisons la veille du concert un ciné-débat au cinéma Utopia Saint-Siméon autour de la série documentaire La cantatrice chôme co-réalisée par Germain Bacher, Florent Barrallon et Manon Caussignac. Le débat sera animé par Hélène Larrouturou, directrice générale de MEWEM avec en intervenantes Margaux Rapin (DJ et fondatrice de Marge Music), Morgane Lebouteux (fondatrice de Medusyne) et Céline Lepage (directrice générale de la FÉLIN). De quoi bien clôturer cette première période de 34 ans du Krakatoa.
Pendant la mise en sommeil toutes les activités du Krakatoa s’arrêtent-elles ?
Le Pôle accompagnement, soit la pépinière d’artistes (réservée aux projets en voie de professionnalisation) et le fil sonore (à destination des projets amateurs), va continuer à fonctionner quasi normalement. Simplement, les résidences sur la scène du Krakatoa seront réalisées dans d’autres lieux, sûrement la salle de concert Sortie 13. Le reste de l’activité demeurera.
Pour le Pôle de médiation culturelle, il se déroule déjà beaucoup hors les murs, donc l’activité va perdurer. Pour combler l’absence de salle, nous allons renforcer des partenariats déjà existants avec des structures notamment dans d’autres villes de la métropole. Pour le Pôle création jeune public, les spectacles conçus par le Krakatoa continueront leur vie comme les spectacles de plus petite forme. C’est la partie diffusion et concerts qui va être le plus touchée. Nous sommes partis sur des collaborations avec des salles partenaires comme la Rock School Barbey ou Le Rocher de Palmer, où nous allons co-produire quelques dates.
Nous allons également développer une programmation découverte avec les collègues de la Sortie 13 car la jauge s’y prête et que nous nous retrouvons sur les couleurs artistiques. Nous aurons aussi quelques productions en propre dans d’autres lieux comme la salle des fêtes du Grand Parc mais de manière très légère. Nous aurons aussi des collaborations avec des villes, Mérignac évidemment, mais aussi Arès, Le Haillan, Bruges, Saint-Jean-d’Illac…
Nous sommes d’accord sur le principe de collaboration, maintenant il faut arriver à se retrouver sur la programmation. À l’arrivée, nous allons être sur une base de 20 à 25 concerts dans l’année, soit moins de la moitié par rapport à aujourd’hui et bien moins que ce que nous ferons demain.
Ce qui représente forcément un manque à gagner…
C’est tout le problème ! Le Krakatoa s’auto-finance à hauteur de 60% voire plus, en grande partie grâce à la billetterie et l’activité de bar. Il y a des partenariats que nous allons essayer de développer, or ce n’est pas la chose la plus aisée à faire. Nous sommes d’ailleurs en recherche de mécènes et de partenaires, soit dit en passant.
Donc, oui, c’est une équation compliquée surtout que l’essentiel de l’activité est maintenue et que les permanents vont rester au maximum en place. Ça va être une année charnière, où nous comptons sur le soutien et la présence de nos partenaires publics voire de nouveaux partenaires privés pour tenir et rouvrir dans les meilleures conditions.
Une réouverture prévue à quelle date ?
Avec un tel chantier, ça risque de durer quelque temps ! Sur le papier, nous sommes censés récupérer l’équipement le 31 mars 2026, donc il s’agit d’une fermeture de 15 mois. Maintenant, nous ne sommes jamais à l’abri d’éventuels retards… Surtout, il va falloir ensuite réinvestir le bâtiment des bureaux à l’équipement des salles de concert ; tout cela prendra du temps.
Aussi disons-nous qu’il serait envisageable, en fonction de tout ça, d’organiser quelques événements avant l’été 2026. Mais le fonctionnement normal de la salle ne reprendra surement qu’à partir de la rentrée 2026. Nous préférons rester prudents.
Propos recueillis par Guillaume Fournier
Informations pratiques
Salut !: J.C. Satàn + Mary Bell + Augusta,
jeudi 28 novembre, 20h30,
Krakatoa, Mérignac (33).