Premier temps fort de la saison du Glob Théâtre bordelais, dédié aux artistes professionnels en situation de handicap, IMAGO- cultivons nos singularités !, agite l’inclusion dans l’art, non sans questionner cette démarche.
La nouvelle saison du Glob Théâtre, impulsée par Yoann Lavabre, se découpe désormais en trois temps forts, dont le premier d’entre eux, Cultivons nos singularités !, s’appuie sur le festival francilien Imago. Créé il y a cinq ans par Olivier Couder [directeur du Théâtre de Cristal qui viendra avec sa troupe animer « un bal poétique et populaire », NDLR] et Richard Leteurtre, il se veut un « événement multi-arts mettant en avant des artistes en situation de handicap dans les disciplines de théâtre, danse, musique, cirque, marionnettes, contes, expositions, cinéma ».
Art et inclusion
Art et inclusion en sont les socles fondateurs, ainsi que le désir de « permettre aux artistes en situation de handicap d’avoir une visibilité et les moyens de leur création ». Pour sa première exportation hors de la région parisienne, Imago se déploie au Glob autour de cinq spectacles et une table ronde à la question piquante « Festival art & handicap, démarche inclusive ou discriminante ? ». En d’autres termes, mettre en avant ces artistes lors d’un temps dédié, n’est-ce pas aussi les cantonner et les restreindre à leur statut ?
En ouverture, Tellement sympa de l’International Visual Theatre réunit au plateau deux combats : celui de la visibilité des personnes sourdes et celui des femmes soumises aux violences intra-conjugales. Emmanuelle Laborit (rendue célèbre pour son rôle dans Les Enfants du silence en 1993) et Isabelle Voizeux y signent un texte coup de poing de Jennifer Lesage-David, aux côtés de deux comédiennes (Virginie Lasilier et Isabelle Lelièvre) pour les voix off en français.
Dans une scénographie épurée et onirique, qui alterne entre présences au plateau et vidéo, deux amies sourdes, Béatrice et Sohanne, entrent en dialogue. La parole fait émerger petit à petit un processus de manipulation et de harcèlement quotidien, la jalousie du compagnon, la situation d’emprise, et le délicat chemin pour faire prendre conscience de l’anormalité de la situation et donner la force pour s’en échapper.
Relations et nouveaux modes de communication
Marie Soriano choisit, elle, dans Monde parallèle, de s’adresser aux enfants, avec l’histoire de deux sœurs, Max et Léna. L’une est autiste, ne parle pas et semble perdue dans ses pensées. S’inspirant de sa propre vie, la metteuse en scène et marionnettiste met à jour les relations et nouveaux modes de communication à inventer entre deux êtres semblables, et si différents. « J’ai longtemps considéré comme tabou de parler du handicap mental de ma sœur et de notre relation », témoigne Marie Soriano, qui a aussi fait le choix de s’inspirer des peintures de Charline, sa sœur, pour la scénographie de son conte marionnettique.
Quant au reste de la programmation — le spectacle Voler prend 2 L, conférence théâtralisée sur les oiseaux portée par Frédéric Périgaud, et La nuit n’en finit plus, seule-en-scène sensible et poétique de Léa Conil, adapté des textes de Nathalie Fillion et Andrée Chedid —, au moment d’évoquer leur place dans cet Imago bordelais, la question de la table ronde revient tarauder la journaliste. De se demander si elle doit expliciter au lecteur la raison précise de leur place dans ce festival — qui ne tient pas à la thématique de leurs créations —, au risque de dévier le focus sur leurs enjeux esthétiques. À méditer…
Stéphanie Pichon
Informations pratiques
Festival Imago – Cultivons nos singularités !,
du samedi 16 au samedi 30 novembre,
Glob Théâtre, Bordeaux (33).