Quand l’architecture, la sculpture, le dessin et les arts du cirque croisent leurs lignes, c’est en Corrèze que l’on prend l’air avec des spectacles en déséquilibre constant avec le festival Respire! du 26 septembre au 6 octobre.

Respire ! ouvre pour la troisième fois la saison de la scène nationale L’Empreinte, entre Brive-la-Gaillarde et Tulle, condensant sur une semaine des propositions circassiennes, chorégraphiques et théâtrales inventives, participatives, in situ et gratuites.

Parmi les sept spectacles — dont l’indécrottable Safari intime de l’Opéra Pagaï (presque vingt ans au compteur) ou le festnoz contemporain des danseuses de C’hoari —, gros plan sur trois créations circassiennes du déséquilibre. Toutes choisissent l’intervalle, le suspense et la lenteur, dans ce sillon du cirque contemporain, qui, depuis les années 1990, s’émancipe de l’amoncellement de numéros et d’une technique ostentatoire. Avec Chloé Moglia, Nicolas Fraiseau et Benoit Canteteau, l’acceptation de la fragilité érige une force non plus démonstrative, mais poétique.

La Spire, Chloé Moglia – Rhizome

Chloé Moglia se suspend depuis longtemps, cherchant un espace entre le ciel et la terre le long de mâts fragiles ou de spirales mathématiques. Sa nouvelle installation-spectacle, La Spire, elle l’a imaginée « comme une structure-sculpture, à la fois légère et monumentale ; l’élévation horizontale d’une spirale en filin d’acier, formant trois boucles successives de sept mètres de diamètre, sur dix-huit mètres de longueur, et qui abrite en son centre un espace vide ».

Le long de ces filins graciles, cinq femmes avancent d’une extrémité à l’autre, telles des grappes humaines. Immobiles, fortes et tremblantes comme des feuilles prêtes à tomber, elles cheminent, se croisent, inventent des liens et des jeux. Au sol, la fidèle musicienne Marielle Chatain fait résonner encore plus fort cette étonnante constellation féminine.

h o m, groupe FLUO

Au commencent de h o m, aucun agrès n’est en vue. Au sol, des amoncellements de bâtons de bois : la création en kit de Benoit Canteteau, du Groupe FLUO, qui va une heure durant fabriquer son stabile en direct, comme un mikado géant qui aurait la gracilité des mobiles de Calder.

Le corps y danse pour bâtir un espace fragile, qui va tenir… ou pas. La patiente construction n’est pas sans rappeler la performance Freeze de Nick Steur (vue au FAB en 2020), où les pierres amoncelées lentement une à une, choisies en partie par les spectateurs, semblaient tenir comme par miracle. Autour du danseur-constructeur, une comédienne est là, attentive, tout à la fois témoin de ce qui se monte et diseuse de mots en suspension.

Instable, Nicolas Fraiseau – collectif sismique

Yoann Bourgeois avait inventé le plateau oblique et mouvant comme impossible tapis de danse. Nicolas Fraiseau, lui, choisit un sol tremblant pour ériger un mât chinois en kit. Avec son solo Instable, ce circassien, depuis longtemps complice de Christophe Huysman, signe un éloge de l’imperfection et du courage.

Sisyphe circassien, ne renonçant jamais, il fait aussi pencher sa performance — contrairement aux deux autres — du côté du comique et du burlesque, non sans évoquer Chaplin et Keaton. Tout le public sait bien que de cette tâche impossible et usante, il obtiendra, ô miracle, un mât qui tiendra debout, malgré tout.

Stéphanie Pichon

Informations pratiques

Respire !,
du jeudi 26 septembre au dimanche 6 octobre,
L’Empreinte scène nationale, Brive-la-Gaillarde (19).

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