Enseignant, critique d’art, auteur, notre collaborateur Didier Arnaudet renfile son costume de commissaire d’exposition à la faveur de la 9e édition de la Biennale d’Anglet.
Face à cette 5e édition en qualité de commissaire, après 4 mandats entre 2007 et 2013, se sent-on en confiance ou cela constitue-t-il un nouveau défi ?
J’avais tourné la page, c’est donc une surprise de revenir à Anglet, une ville qui a su rester en lien avec l’art contemporain nonobstant les changements d’équipe municipale. J’ai retrouvé une équipe, des personnes que j’avais formées.
J’ai accepté la proposition en apportant quelques corrections par rapport au projet initial, voulant revenir au sens même de la Biennale, « supprimer » la notion littorale, rattacher la ville afin qu’elle soit remise au premier rang, grâce, notamment, à la réhabilitation de la Villa Beatrix Enea et d’un nouvel espace : la Galerie Pompidou.
En outre, je désirais sortir de la dissémination d’œuvres le long d’un front de mer de plus de 4 km, quelque peu perdues dans le paysage. Aussi ai-je repensé l’intervention sur un seul lieu symbolique, La Barre, entre embouchure de l’Adour, vue sur l’océan, parc écologique, zone industrielle. Ici, 4 œuvres, des productions, se confrontent au paysage.
La Villa Beatrix Enea accueille « Probité de l’image », florilège de pièces signées par des noms établis.
C’est un endroit intimiste, entre domesticité et famille, ceint d’un parc. À partir de là, j’ai désiré une exposition « historique », organisée autour de Jean Frémon, directeur de la galerie Lelong, qui a toujours fait le pont entre modernité et art contemporain. Qui plus est, c’est un homme de lettres, poète et romancier, se servant des œuvres d’art pour développer des fictions.
D’une réalité, il construit un texte. Je voulais réunir autour de lui des artistes ayant compté dans son parcours. Il se trouvait, par un heureux hasard, qu’il préparait un ouvrage somme des textes écrits sur les artistes qu’il a exposés ; ce qui a guidé mes choix. Soit 7 artistes avec 3 à 4 œuvres donnant accès à un parcours, et cette idée forte, celle d’une œuvre s’inscrivant dans l’Histoire.
Juste en face, à la Galerie Pompidou, place à la jeune garde avec « Hiru »…
…qui signifie « trois » en basque. Ici, c’est plutôt un clin d’œil. L’art émerge et peut s’inscrire dans l’Histoire. Trois jeunes femmes — Io Burgard, Chloé Royer et Mathilde Denize — réunies par cette dernière avec qui je souhaitais collaborer depuis longtemps. Elle m’a parlé de ses deux amies avec qui elle a partagé durant quatre ans un atelier, or, elles n’avaient jamais exposé ensemble ! La moitié de ce corpus est totalement inédite.
La scénographie, elle, est structurée en trois îlots. Le parcours sans être surchargé va du sol au plafond en passant par les murs. On décèle une idée commune autour de la science-fiction, des fonds marins avec des sculptures alien ou animales comme si l’océan s’invitait jusqu’à la ville.
Enfin, in situ, direction La Barre avec « L’ici et l’ailleurs ».
4 œuvres, enfin 5, puisque Le Bouquet (2013) de Mathieu Mercier a été restauré et sert de point de départ à Flora Moscovici avec Les Chemins du couchant, 1 500m2 de peinture à la chaux sur les pistes cimentées ; un geste éphémère appelé à disparaître, jouant sur les nuances du coucher de soleil. Avec Horizon : 1 000 blocs, 6 couleurs, Kevin Rouillard conçoit une déambulation de colonnes en zig-zag ponctuant le tracé de l’embouchure de l’Adour.
Agora de Jennifer Caubet est une installation singulière de 5 drapeaux porteurs de fragments d’une fresque, une espèce de motif en perpétuelle déconstruction/reconstruction, et 2 bancs invitant à la contemplation. À La Barre, on introduit de la couleur et on habite l’espace poétiquement. Enfin, Le Crib du cabinet MBL architectes affirme selon moi la place légitime que peuvent occuper dans ce genre de manifestations designers et architectes. Je connais ce cabinet de longue date, collaborant avec le monde de l’art contemporain.
Ce geste du silo à grain s’envisage comme symbole de l’architecture vernaculaire du bassin de l’Adour et comme une nouvelle cimaise cadrée telle une photo, un objet que le regard doit activer.
La Ville d’Anglet possède une collection de plus de 3 500 œuvres d’art contemporain. Les biennales ont toujours été l’occasion d’enrichir ce fonds soit par acquisition, soit par don. Sera-ce encore le cas ?
Probablement, il n’y a aucune contrainte. Toutefois, beaucoup de ces œuvres sont éphémères. Nullement conçues, à l’origine, pour rester
Propos recueillis par Marc A. Bertin
Informations pratiques
Biennale d’Anglet,
du samedi 6 juillet au samedi 19 octobre,
La Barre, Galerie Pompidou, Villa Beatrix Enea, Anglet (64).