Avec Ayta, le chorégraphe Youness Aboulakoul clôt sa trilogie sur la violence avec une pièce pour six femmes, décidées à ne pas plier. À découvrir à Pau.
Youness Aboulakoul, danseur entre autres de Christian Rizzo ou Ambra Senatore, a commencé à chorégraphier ses propres pièces avec Today Is a Beautiful Day (2019), poignant solo ultra-plastique où son corps à la dérive entrait en dialogue avec la musique et les objets. Présenté d’ailleurs à Espaces Pluriels, en mars, en amont d’Ayta, il annonçait déjà tous les éléments de ses obsessions esthétiques : celui d’un chorégraphe formé aux arts plastiques, compositeur et musicien aussi.
Ayta en marocain est un appel, un cri. C’est aussi et surtout un genre musical ancien, dans lequel Youness Aboulakoul a baigné toute son enfance. Un chant lancé par des femmes, qui signifie aussi résister au pouvoir par la voix. « Au Maroc, il y a longtemps eu des caïds, des sortes de gouverneurs, qui profitaient de leur pouvoir. Entre autres choses, ils enlevaient des jeunes filles à leur famille pour en faire des esclaves sexuelles. Quand une famille perdait une jeune fille, tous les villageois venaient pousser ce cri, l’ayta, pour aider la personne à rester debout », explique-t-il.
- A lire aussi : la chorégraphe Soraya Thomas dans l’œil du cyclone
Verticalité féminine
Chargée de ces légendes et vécus, la pièce porte ainsi ces interrogations : qu’est-ce que signifie rester debout, ne pas plier ? Comment explorer cette verticalité, collectivement ? Comment soutenir l’autre dans cet acte de résistance ?
Pour y répondre, six femmes sur le plateau — Nefeli Asteriou, Marie-Laure Caradec, Sophie Lèbre, Cassandre Muñoz, Anna Vanneau, Léonore Zurflüh —, six danseuses en ligne, prises entre deux rideaux de fils blancs, comme enfermées dans un espace sans échappatoire. Dans la pénombre, elles avancent resserrées, en rangs, telle une armée de guerrières, le corps soumis à des vagues de ploiements, pliures, des ondes de mouvements répétitifs.
D’abord lents et étriqués, leurs pas se font plus amples, moins hésitants, la violence pointe aussi, sourde. La musique, nappe lourde et lancinante, vient soutenir une cadence de plus en plus accélérée. Surgissent alors la rage et la rébellion, la propagation d’une verticalité féminine, comme un manifeste.
Stéphanie Pichon
Informations pratiques
Ayta, conception et chorégraphie Youness Aboulakoul,
mardi 7 mai,
Le Foirail, Pau (64).