Fondé à Bordeaux par Roberto de Uña, Michel Hardoin et Antoine Ragonneau, l’atelier A6A a reçu le prix d’architecture de l’Équerre d’Argent dans la catégorie habitat. Cette distinction nationale vient récompenser leur programme des Volumes Capables, des logements évolutifs situés dans le nouveau quartier Brazza.
Peut-on vous présenter comme une agence collaborative ?
Oui, nous sommes aujourd’hui trois fondateurs et plusieurs collaborateurs, avec un vrai travail de groupe, beaucoup d’échanges entre nous. Nous avons entre 25 et 35 ans, nous partageons des idéaux communs et nous venons de créer notre nouvel espace de travail dans un lieu que nous avons entièrement rénové près de la gare Saint-Jean. Il réunit des bureaux et un atelier de maquettes pour lier la conception manuelle avec celle des logiciels ! Ce prix de l’Équerre d’Argent est une reconnaissance de notre démarche, notamment une volonté de simplicité dans notre écriture architecturale.
On peut revenir sur l’histoire des Volumes Capables ?
Nous avions créé notre SARL en 2013 et, l’année suivante, nous étions sélectionnés à un oral de la mairie de Bordeaux dont la directrice de l’aménagement urbain était Michèle Laruë-Charlus. Elle coordonnait le futur quartier Brazza sous le pilotage de l’architecte-urbaniste Youssef Tohmé. L’idée était de développer un îlot un peu expérimental, avec un prix au m2 bloqué[1] pour faciliter l’accession à la propriété. Nous étions en binôme avec Eden Promotion qui démarrait aussi son activité à Bordeaux. Le projet a pris plusieurs années car les terrains ont dû être dépollués, il y a eu des aléas sur la maîtrise foncière, les marchés avec les entreprises… ce qui nous a finalement laissé du temps pour bien le mûrir.
Quelle est l’originalité du programme ?
Les Volumes Capables sont constitués par deux bâtiments de 16 logements. Chaque appartement est conçu en duplex, avec 5 mètres de hauteur sous plafond et livré brut. Une partie en mezzanine surmonte un bloc sanitaire et une kitchenette qui sont les éléments de base. L’espace à vivre communique avec un grand cellier, isolé et éclairé naturellement, qui peut lui aussi être aménagé.
Chaque habitant crée son propre agencement et l’un des intérêts est de pouvoir doubler la surface. Parmi les propriétaires, il y a des familles, des jeunes couples, des personnes seules qui veulent de l’espace pour recevoir leurs proches, c’est très varié ! Certains ont réalisé les travaux eux-mêmes, d’autres ont fait appel à des entreprises car le prix d’achat le permettait. Tous les appartements ont des terrasses, des jardinières rythment les grandes cages d’escalier pour donner envie d’être dehors et de croiser ses voisins !
Votre écriture architecturale très épurée participe à cette singularité ?
En effet, nous aimons le côté brut, un peu rugueux des matériaux… Des murs en béton recouverts de bardages métalliques, des piliers en acier pour délimiter les extérieurs comme une façade virtuelle, des grands vitrages… Nous aimons cette esthétique dépouillée qui donne le minimum d’informations avec le maximum de force !
C’est aussi une manière d’exprimer un langage commun à l’atelier. Nous avons adopté un parti pris similaire sur une résidence universitaire qui est juste à côté, dont les façades sont recouvertes d’un enduit projeté avec beaucoup de relief, comme dans les années 1970. Pour les Volumes Capables, nous avions aussi coécrit avec Eden Promotion un cahier des charges de bâtiment vertueux.
Nous avions envisagé le projet en ossature bois mais pour arriver au prix de construction, avec l’augmentation des matériaux liée au confinement, le béton s’est imposé. C’est quand même un habitat collectif, conçu pour être économe à l’usage, connecté au réseau de chaleur du quartier même si on le trouve encore empirique.
À quand les prochains Volumes Capables ?
La finalité n’est pas forcément de créer un modèle à grande échelle. Au contraire, ce type de programme nous semble plus adapté à l’expérimentation. Il demande une volonté politique forte pour bloquer le foncier, les prix… Il faut aussi un promoteur qui prenne des risques et une clientèle en recherche de ce type de logement alternatif.
Pour nous, les Volumes Capables sont une bonne manière de garder de l’espace et de l’individualité dans un habitat urbain collectif, dans un quartier assez dense… Pour parvenir à ce résultat, nous avons dessiné une multitude d’usages avant de tout effacer d’une certaine manière… et laisser place à l’imaginaire des habitants !
Propos recueillis par Benoît Hermet