Vaste étendue d’eau bordée de rivages dentelés, de forêts denses et d’espaces préservés, le lac de Vassivière n’a pas volé son surnom. Baptisé le petit « Canada du Limousin », ce coin de paradis pourtant artificiel fut créé par EDF voilà 72 ans pour construire un barrage hydroélectrique. Au cœur de ce plan d’eau monumental, se trouvent l’île de Vassivière et son incontournable Centre International d’Art et du Paysage (CIAP). Construit en 1991 par les architectes Aldo Rossi et Xavier Fabre, ce projet n’est pas né par hasard. Il tire sa genèse du Bois de sculptures qui fête cette année ses 40 ans.
L’histoire de cette vaste collection à ciel ouvert débute en 1983. À l’époque, un groupe d’artistes et d’amateurs d’art de la région réunis autour de l’association LAC & S (Limousin Art Contemporain et Sculptures) convie une douzaine d’artistes nationaux et internationaux sur l’île de Vassivière.
L’idée ? Associer leur approche artistique contemporaine au granit, cette roche cristalline qui compose presque exclusivement le sous-sol du plateau de Millevaches. Le premier Symposium de granit en Limousin voit le jour durant l’été 1983. Baptisé « L’île aux pierres », l’événement est réitéré en 1984 et 1985 avant que ne germe l’idée de construire un bâtiment pérenne qui accueillera des expositions temporaires en complément des rencontres internationales.
Le bois de sculptures n’a cessé de s’enrichir
Depuis, le Bois de sculptures n’a cessé de s’enrichir de nouvelles pièces au gré de commandes passées à des artistes, de prêts ou de dépôts signés notamment par le Centre national des arts plastiques (Cnap).
Monumentales ou discrètes, permanentes ou temporaires, diurnes ou nocturnes, les œuvres ne se cantonnent plus à un seul matériau et se découvrent au détour d’une balade en forêt, d’une halte dans les prairies, au bord du lac ou à proximité du CIAP. Mise en bouche avec trois propositions sélectionnées par Junkpage parmi les quelque 70 œuvres qui composent aujourd’hui le Bois de sculptures.
Yona Friedman, La Licorne de Vassivière, 2009
C’est sans doute la plus emblématique de la collection. Et la plus monumentale, puisque ses dimensions (324 mètres) avoisinent celles de la tour Eiffel. Pour la voir dans sa totalité, le plus simple est de grimper au sommet du phare d’Aldo Rossi. Imaginé par le Franco-hongrois Yona Friedman, figure tutélaire du monde de l’art disparue en 2020, ce grand dessin créé à même le sol esquisse la silhouette d’une licorne aux allures de femme qui semble tenir dans l’une de ses mains le centre d’art.
Retracée annuellement avec de la marne séchée (une roche tendre composée d’argile et de calcaire), la créature chimérique s’estompe inexorablement au fil des mois tout en fertilisant la terre sur laquelle elle a été tracée.
Les modules gonflables de Hans-Walter Müller, 2007
Le 25 décembre prochain, Hans-Walter Müller soufflera ses 88 bougies. Ingénieur et architecte, cet artiste allemand a passé la majeure partie de son existence à rêver, concevoir et fabriquer d’audacieuses structures gonflables aux quatre coins de l’Europe.
Depuis 1971, il a élu domicile dans l’une d’entre elles. Installée sur l’aérodrome de Cerny, dans l’Essonne, cette matrice de 200m² lui sert de maison, de laboratoire et d’atelier. Parmi la centaine de ces projets remplis d’air que Hans-Walter Müller a réalisée, citons l’atelier pour Jean Dubuffet, une structure pour la Fête de l’Humanité, une salle pour une exposition Dalí, un théâtre pour les Jeux olympiques de Barcelone en 1992, sans oublier des décors pour les ballets de Maurice Béjart.
Légers, nomades et multifonctionnels, les trois modules qu’il a conçus pour le CIAP de l’île de Vassivière résultent d’une commande publique du ministère de la Culture et de la Communication. Ils sont visibles et praticables à certaines occasions comme le 7 octobre dernier dans le cadre des festivités entourant l’anniversaire des 40 ans du Bois de sculptures.
Erik Samakh, générateur de dialogues avec la nature
C’est sans doute l’artiste dont on trouve le plus d’œuvres ici. Né en 1959, à Saint-Georges-de-Didonne, Erik Samakh se définit lui-même comme un « chasseur-cueilleur d’images et de sons », qu’il capte, enregistre, déploie ou amplifie dans des installations autonomes épousant le plus souvent des espaces naturels.
Sa première intervention sur l’île date de 1984. Réalisé en granit, son Lieu d’écoute invite à faire l’expérience du paysage non pas par la vue mais avec les oreilles. Suivront en 2004 Les Joueurs de flûtes, à savoir des instruments à vent qui émettent d’intrigants sons dès le lever du jour grâce à l’énergie solaire captée ; encore ses Graines de lumière (en cours de restauration) suspendues à la cime des arbres qui se métamorphosent à la nuit tombée en une myriade d’étoiles scintillantes grâce à cette même unité technologique autonome énergétiquement.
Anna Maisonneuve
Informations pratiques
Centre International d’Art et du Paysage,
île de Vassivière,
Beaumont-du-Lac (87).
Le Bois de sculptures est en accès libre et gratuit tout au long de l’année.