Avec « S’exposer », la Villa Beatrix Enea, centre d’art contemporain d’Anglet, présente une sélection d’œuvres de plusieurs peintres, français et américains, puisées dans une collection privée.
Selon le Larousse, les définitions du verbe pronominal « s’exposer » sont multiples. 1 : courir un risque, donner prise à quelque chose (synonymes: braver, encourir, risquer). 2 : se compromettre, se mettre en danger (synonymes: se commettre, se compromettre, se mouiller). 3 : se présenter à la vue de quelqu’un, d’un groupe avec une certaine ostentation. 4 : se placer de manière à recevoir sur le corps les rayons du soleil.
À Anglet, la Villa Beatrix Enea accueille une proposition singulière, jouant avec de nombreuses acceptions de son intitulé.
16 artistes sont exposés jusqu’au 23 septembre
En effet, les 16 artistes présentés jusqu’au 23 septembre ont en commun, outre le médium pictural, de provenir d’une collection particulière du Sud-Ouest, démarrée par une rencontre avec Bernard Rancillac, dans son atelier parisien. Cette visite à l’allure d’épiphanie constituant le départ d’une collection par l’acquisition de l’œuvre Pied dans le milieu.
Acceptant les règles du jeu de l’exposition, l’intéressé ose toutefois une espèce de mise à nu face au regard du public. Si l’exercice n’a rien d’inédit, nombreuses collections particulières détenues par des figures reconnues ou d’illustres inconnus ont déjà fait l’objet de monstration, il n’en demeure pas moins que se révéler ainsi a forcément un soupçon d’impudeur mêlé à la légitime appréhension face aux jugements.
Florilège des mouvements picturaux des années 1960 à aujourd’hui
C’est aussi le témoignage d’un parcours faisant a priori fi des foucades à la mode affirmant ses goûts et engouements, en l’occurrence un florilège des mouvements picturaux des années 1960 à aujourd’hui, entre la France et les États-Unis.
L’aréopage réuni — Aillaud ; Copley ; Corne ; Desgrandchamps ; Erró ; Gasiorowski ; Golub ; Morley ; Monory ; Pencréac’h ; Proweller ; Rancillac ; Rauschenberg ; Saul ; Swennen ; Télémaque — convoque références et moindres légendes.
Pour autant, l’éclectisme affiché s’appuie sur les bases de la peinture : portrait, nature morte, paysage, abstraction et une passion affirmée pour la couleur — à l’image de la toile d’Emanuel Proweller, Le Maître-Nageur (1968), qui a été retenue comme affiche. Cette huile sur toile, en grand format, dégage une puissance aussi vive que solaire.
Une collection de plus de 150 toiles
« Les choses se passent de manière quasi amoureuse. Je pénètre dans l’univers d’un peintre et je veux voir si je peux m’accorder à cet univers – ou pas. Ça démarre toujours par une émotion, une curiosité artistique dont je vais chercher la confirmation », reconnaît le collectionneur, désormais riche de 150 toiles.
On imagine le casse-tête pour n’en retenir qu’un dixième, néanmoins, s’exprime son intérêt pour la création émergente (Stéphane Pencréac’h, Marc Desgrandchamps) qui dialogue avec ses prestigieux aînés (Jacques Monory, Robert Rauschenberg).
Par endroits, le choix cingle par sa singularité. Brain Touch d’Erró ; Still Life n°3 de Peter Saul, 30 ans d’écart, la première de 1970, la deuxième de 2000, mais la même anticipation d’un certain courant du street art actuel.
Un beau parcours s’expose sous les yeux des visiteurs
Le Cavalier du belge Walter Swennen synthétise, lui, la démarche de cet inclassable, passé par la poésie avant d’opter, au début des années 1980, pour la peinture, flirtant avec le postmodernisme, le pop art, mais également Marcel Broodthaers, Jacques Charlier, Jo Delahaut ou le mouvement Cobra.
Plaisir de contempler les œuvres du trop rare Walter Swennen, ancien graveur, entré dans la carrière par la performance et la poésie expérimentale, acclamé outre-Quiévrain mais trop absent en France.
Beau parcours en somme, dont le foisonnement n’est nullement lié à la quantité mais à la force des peintures proposées, jouant subtilement au jeu des correspondances par-delà les frontières et les époques. Comme quoi, s’exposer, peut aussi signifier partager et transmettre.
Marc A. Bertin
Information pratiques
« S’exposer »,
jusqu’au samedi 23 septembre,
Villa Beatrix Enea, Anglet (64).