À Nexon, en Haute-Vienne, chaque mois d’août a lieu Multi-Pistes. Le festival organisé par le Sirque, sous ou hors chapiteau, dans des formes collectives ou solo, en prenant soin de montrer un cirque d’aujourd’hui multiple. Passage en revue éclectique de ce qui fera l’été artistique de cette édition.

Les collectifs

Le festival Multi-Pistes, qui se tient du 9 au 19 aout puis le 27 août, s’ouvre sur un grand format franco-brésilien. Le spectacle 23 fragments de ces derniers jours, qui voit la circographe Maroussia Diaz Verbèke s’engager auprès de six artistes brésiliens du collectif Instrumento de Ver, pour une variation autour des objets qui deviennent agrès.

Dans cette revue de corps et de choses, surgit un cirque fragmentaire, à rebrousse-poil, éclatant de langages et personnages singuliers. Engagé depuis toujours dans la transmission (preuve en est les nombreux ateliers du festival, à destination des pros et des amateurs), Nexon offre aussi une vitrine aux jeunes générations, comme celle de la 35e promotion du CNAC, la grande école de cirque française. Chaque année les élèves signent en fin de cursus leur première création personnelle. Ce sont ces Échappées qui seront présentées en sept soli de jeunes artistes internationaux, futurs grands de demain.

Les émergents déjà au festival Multi-Pistes

D’autres artistes passés par le CNAC ont depuis peu franchi le pas de la création professionnelle. C’est le cas de Liam Lelarge et Kim Marro, de la promo 2018, qui délaissent trapèze et roue Cyr, leurs agrès de prédilection, pour imaginer La Boule, curieux duo entremêlé et soudé, à partir d’un jeu inextricable de portés, d’accrochages, d’acrobaties courbées.

Très proche dans ce désir de faire corps et solidarité, René est un petit bijou de simplicité et d’efficacité, porté par deux jeunes acrobates Xenia Bannuscher (Allemagne) et Dries Vanwalle (Belgique) du collectif flamand Sinking Sideways. Elles y épuisent les ressorts du mouvement et de la synchronicité au fil d’une chorégraphie millimétrée. Anna Pia Gianferrari, tout juste diplômée de l’ENSA Limoges, n’est pas circassienne pour un sou, mais elle crée Parade, un jeu de costumes et de métamorphose, construisant des ponts entre arts de la piste et performance.

Les (presque) seuls en piste

Le solo n’est plus chose rare au cirque, pas seulement par nécessité économique, mais aussi par désir de construire des œuvres plus intimes. La Boîte de Pandore exprime cette volonté d’exposer une histoire autobiographique, celle de Marion Coulomb. Avec une corde lisse, des lancers de couteau et une guitare électrique, elle narre son récit traumatique et fait voler en éclats des années de silence autour du viol.

La boîte de Pandore – Cie Betterland©Matthieu Ponchel

Pas tout à fait seule, elle construit ce puzzle délicat avec la complicité de la metteure en scène Pépita Car. Quant à Mathias Lyon, qui réserve la première de Seul duel à Nexon, il a joué dix ans dans la troupe de Zingaro, avant de se lancer dans une écriture plus personnelle. Comme son nom l’indique, il n’est pas tout à fait seul dans ce numéro pour homme et cheval (Bubastis) qui imagine d’autres manières d’être artiste auprès d’un animal et pose les premiers jalons d’une collaboration qui devrait durer très longtemps.

À deux, c’est mieux

Que dit le couple sur une piste de cirque ? Que construit-on à deux ? Quelles tensions ? Quels désirs ? Plusieurs pièces y répondent tels ce Cabaret renversé intimiste pour 120 convives où la compagnie La Faux Populaire-Le Mort aux Dents explore la relation de couple homme/femme dans une succession de numéros entre dressage, envolées aériennes, théâtre d’objet et musique.

Cuir relève d’un registre plus trouble, où deux complices de longue date Arno Ferrera et Gilles Polet s’équipent de harnais équestres pour rivaliser de traction et d’attraction dans une lutte qui évoque plus un numéro de désir tout de cuir vêtu qu’un combat tendu. Et le bonheur dans tout ça ? Le duo de clowns italiens Alice Gaia Roma et Damiano Fumagalli (Cie Rasoterra) le construit à coups de portés, de vélo acrobatique et de tronçonneuse. Les deux s’amusent des situations ordinaires, et mettent au jour nos paradoxes, dans un numéro bourré d’optimisme.

Les habitués de Multi-Pistes

Olivier Debelhoir, acrobate-poète, travaille depuis vingt ans sur des équilibres d’objets. Un soir chez Boris, L’Ouest loin, Une pelle ont tous été présentés à Nexon. Normal que Tombouctou, sa dernière création, y fasse ses premiers pas.

Olivier y dialogue avec son père, médecin retraité, depuis un fil funambule de 48m de long. Autre habitué de Multi-Pistes, chez lui à Nexon (artiste associé du Sirque), le diable Jani Nuutinen du Circo Aereo choisit la nuit comme écrin et un arbre — le dernier sur terre ! — comme complice pour son rituel aussi artisanal qu’étrange, Harbre. Encore un ovni, deuxième opus de sa trilogie TRILOKIA, à découvrir en plein air et sous les étoiles.

Stéphanie Pichon

Informations pratiques

Multi-Pistes,
du mercredi 9 au samedi 19 août puis le dimanche 27 août,
Sirque – Pôle National des Arts du Cirque de Nexon, Nexon (87).

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