BILAKA – Dix ans après sa création, le collectif basque s’offre une tournée régionale inédite. Implantés à Bayonne, ces musiciens et danseurs, artistes compagnons de la Scène nationale du Sud-Aquitain, ne cessent de réinventer la culture traditionnelle basque à coups de collaborations et de frottements aux esthétiques contemporaines.
Rencontre avec Xabi Etxeverry, l’un des fondateurs du collectif basque Bilaka, et Arthur Barat le benjamin
✏️ Propos recueillis par Stéphanie Pichon
⌛ Temps de lecture 12 minutes
Vous interprétez Gernika du chorégraphe Martin Harriague, production déléguée de la Scène nationale du Sud-Aquitain, dans toute la Nouvelle-Aquitaine. Est-ce un nouveau palier pour Bilaka ?
Xabi Etxeverry : Nous avons toujours eu de la diffusion sur le territoire du Pays basque, mais c’est la première fois que cela s’élargit au-delà du département, dans un réseau de scènes nationales ou conventionnées. On ne cache pas que c’est un peu stressant et génial à la fois.
Gernika, c’est un mot lourd de sens. Porteur d’une histoire douloureuse, mais aussi d’un écho artistique, notamment le tableau de Picasso. Comment vous êtes-vous saisis de cet événement ? Qu’aviez-vous à en dire de nouveau ?
X.E. : Le collectif Bilaka avait invité Martin Harriague à collaborer avec ses membres et c’est lui qui a proposé ce thème. Originaire du Pays basque, il revenait d’Israël, dans la compagnie de danse Kibbutz, et voulait faire un parallèle entre la situation de guerre là-bas et cet événement historique pour le peuple basque. C’était un enjeu de ne pas reproduire ce qui avait déjà été fait, de donner des éléments de compréhension qui ne racontent pas seulement le bombardement. Nous avons choisi d’avoir un discours universaliste, antimilitariste, ouvert. Le sujet n’est pas que Gernika, la dénonciation de la guerre à un moment où une autre guerre vient d’éclater.
Arthur Barat : Il s’agit aussi de la question de l’héritage, de ce que ça a engendré de se relever de cet événement, de ce que ça apporté, jusqu’à aujourd’hui, dans nos danses.
Quelles ont été les directions artistiques ?
X.E. : Martin a imaginé une trame, j’ai ensuite travaillé sur l’écriture musicale avec Patxi Amulet et Stéphane Garin de l’ensemble 0. Martin avait des références musicales marquées, qui donnaient une direction assez claire mais aussi de larges possibilités pour écrire.
« On conçoit la culture basque comme ressource culturelle inépuisable. »
A.B. : En invitant Martin, nous avions de vraies envies d’esthétiques, notamment cette danse venue d’Israël qui nous parle beaucoup. On était impatients d’échanger nos rapports au corps, et trouver une cohérence. De notre côté, nous nous sommes concentrés sur les danses et le répertoire de la Biscaye, que nous avons présentés à Martin, pour qu’il en saisisse les esthétiques, les images, les codes. Lui a apporté le matériau chorégraphique d’autres moments forts comme celui du bombardement, ou de la danse des militaires. C’était un échange constant.
Cela fait dix ans que le collectif Bilaka existe. Quel a été le point de départ ?
X.E. : Nous étions beaucoup de musiciens-danseurs à jouer dans plusieurs groupes de villages. Cette génération a décidé de se structurer et d’écrire une page, à son image. Puis, la professionnalisation a amené une nouvelle génération de danseurs. La génération initiale reste dans le collectif, soit dans le suivi du collectif, soit dans la transmission.
A.B. : Bilaka venait surtout de l’envie d’une génération de danseurs de s’engager plus intensément pour arriver à une structure professionnelle. Le nombre de danseurs actifs a évolué, une génération était prête. Aujourd’hui, nous sommes quatre danseurs permanents.
Quand vous parlez de générations, ce sont lesquelles ?
X.E. : Moi je suis de la première génération, j’ai 34 ans.
A.B. : Parmi les danseurs, Oihan Indart a 28 ans, Ioritz Galarraga 31 ans, Zibel Damestoy 24 ans et moi 21 ans.
Bilaka se présente comme œuvrant « à l’activation contemporaine de la culture traditionnelle du Pays basque ». Qu’entendez-vous par là ?
A.B. : Il y a d’abord la volonté de produire des spectacles à partir d’une écriture nouvelle. On est tous héritiers de ce répertoire traditionnel, bien que d’écoles amateurs aux styles différents. Il y a aussi l’envie, en tant qu’artistes, d’amener ces danses vers une autre écriture, de les faire nôtres. Cela passe par d’autres corporalités, comme celles de la danse contemporaine ou classique, par le fait de se frotter à autrui — comme Martin pour Gernika — sans pour autant se perdre. Basque ou contemporain ? Nous sommes l’un et l’autre. Ces frottements réguliers amènent le jaillissement d’une matière autre.
X.E. : On conçoit la culture basque comme ressource culturelle inépuisable. Elle n’appartient à personne et appartient à tout le monde ; c’est-à-dire à la personne qui l’active, l’exploite, comme une ressource. N’importe quelle personne qui piochera dans les ressources du répertoire basque pour en faire quelque chose de nouveau l’enrichira. Comme l’ont fait Martin Harriague, qui a vécu en Israël, et Stéphane Garin, qui a joué sa musique expérimentale en Europe et dans le monde.
Les collectifs de culture trad’ sont nombreux dans la région, on songe à Lost in Traditions. Avez-vous été inspirés par d’autres aventures ?
X.E. : S’il y avait un modèle de collectif, ce serait Hart Brut, avec son label Pagans, qui mène un travail remarquable, et que nous avons contacté pour des conseils. Son travail de label, en plus de la création et du collectage, nous inspire. Nous avons déjà une discographie de nos musiques de spectacle. Nous aimerions aller plus loin.
Où et quand voir Bilaka ?
Gernika – Chorégraphie, mise en scène, dramaturgie, scénographie, lumières de Martin Harriague, collectif Bilaka,
Du mercredi 15 au vendredi 17 février, 20h
Théâtre Michel Portal, Bayonne
Samedi 11 mars, 20h30
Les 3T – Scène conventionnée de Châtellerault
Mardi 14 mars, 20h30
Le Moulin du Roc—Scène nationale, Niort
Jeudi 16 mars, 20h30
Théâtre Bressuire, Bressuire
Mardi 21 mars, 20h30
La Mégisserie, Saint-Junien
Jeudi 23 mars, 20h15
Théâtre des Quatre Saisons, Gradignan
Mardi 4 avril, 20h
L’Empreinte – Scène nationale, Tulle
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